L'ACTU.
331 députés ont voté la censure du gouvernement de Michel Barnier, le 4 décembre 2024. Le premier ministre va remettre sa démission à Emmanuel Macron. Deux motions de censure avaient été déposées par le Nouveau Front populaire (NFP) et le Rassemblement national (RN).
Michel Barnier avait engagé la responsabilité de son gouvernement, le 2 décembre, après avoir utilisé l'article 49, alinéa 3 de la Constitution sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Les chances d'être renversé étaient élevées, les deux blocs réunissant approximativement 330 suffrages, bien au-dessus du seuil requis de 288.
LE CONTEXTE.
Le gouvernement Barnier est le deuxième gouvernement de la Ve République à être rejeté par le Parlement. Ce n’était arrivé qu’une seule fois, en 1962. À l’époque, Georges Pompidou était le Premier ministre de Charles de Gaulle. Son gouvernement avait été censuré pour sanctionner le choix du général de proposer aux Français de se prononcer lors d'un référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel. Auparavant, il était élu par des grands électeurs (sénateurs et députés). Une décision mal reçue à l'Assemblée nationale. Le 4 octobre 1962, les députés déposèrent une motion de censure pour renverser le gouvernement Pompidou. Le 5 octobre 1962, les résultats du vote tombèrent. La motion de censure était votée à la majorité absolue.
En réponse à la motion de censure, Charles de Gaulle décida de dissoudre l’Assemblée nationale. Après des élections législatives anticipées, le 25 novembre 1962, le verdict des urnes tombait. Le parti gaulliste, l’UNR, remportait largement les élections, avec plus de 40% des voix. La motion de censure fut donc annulée et Georges Pompidou retrouva Matignon.
L'ARCHIVE.
Quelques semaines avant ce couperet, au mois d’août 1962, Georges Pompidou décrivait à François de la Grange sa vision du rôle du Parlement et sa relation à l’exécutif. Le Premier ministre s'inscrivait en faux contre l'idée que dans la Ve République, l'Assemblée nationale soit « maintenue dans un rôle effacé » sans avoir la possibilité « d'exercer sa tâche fondamentale qui est le contrôle de l'action gouvernementale ». Il affirmait que dans la Constitution de 1958, la France était bien un régime parlementaire, sous entendant qu'il n'était pas soumis à la volonté d'un président de la République tout-puissant, en l’occurrence, à l'époque, Charles de Gaulle.
Un Contrôle constructif
Cet équilibre se jouait à travers la possibilité pour un gouvernement d'engager sa responsabilité et pour un parlement de renverser ce gouvernement. Sortant d'une période de débats houleux, le locataire de Matignon rappelait : « Sur ce point, je dois dire que cette session nous a comblés. Et je comprendrais mal que l'on puisse soutenir que le gouvernement n'a pas mis en jeu sa responsabilité et que le Parlement n'a pas eu la possibilité de faire jouer son pouvoir de contrôle, c'est-à-dire de renverser le gouvernement. »
Il citait plusieurs moments où le Parlement aurait pu censurer son gouvernement, à l'instar de son discours de politique générale dans lequel il avait détaillé son programme en avril 1962. « À la suite de longs débats a eu lieu un vote de confiance et ce vote a donné au gouvernement une majorité substantielle » soulignait-il comme preuve de sa bonne foi. Il ajoutait qu'à la suite d'un débat sur l'Algérie, la confiance du gouvernement avait à nouveau était demandée. La motion de censure qui avait alors été déposée par des députés et certains membres de son gouvernement n'avait pas recueilli le nombre requis de voix pour renverser le gouvernement. À l'occasion de questions budgétaires, le gouvernement avait une nouvelle fois posé la question de confiance sans être menacé.
Une obstruction systématique ?
À travers tous ces exemples le chef de l’Exécutif entendait bien prouver que l'Assemblée nationale possédait un véritable pouvoir de contrôle de la politique gouvernementale. « J'estime donc que le gouvernement a fait ce qu'il avait à faire, que le Parlement a eu toutes les occasions de montrer son existence, sa puissance et d'exercer son contrôle. S'il n'a pas renversé le gouvernement, je suis obligé d'en conclure, vous m'en excuserez, que c'est qu'il a la confiance de la majorité de l'Assemblée et que c'est très bien ainsi, et je ne vois pas ce qu'on pourrait y trouver à redire ».
Mais, il mettait en garde sur le danger d'une obstruction systématique du gouvernement avec des mots qui prennent une résonance particulière dans la période de tourmente politique traversée par le gouvernement Barnier.
Ainsi, poursuivait Georges Pompidou avec un ton plus grave : « À moins que, bien sûr, on estime que le régime parlementaire et le contrôle du gouvernement par le Parlement et le rôle important du Parlement, ça consiste à renverser systématiquement les gouvernements. Nous avons connu cela. Je crois que nous en avons souffert. Je crois que le pays a manifesté en 1958 en votant massivement pour la nouvelle Constitution qui ne voulait plus de cette instabilité quasi permanente. Et je crois que si on le consultait à nouveau sur la question, il répondrait de même. »
Sa confiance ne tarda pas à être mise à l'épreuve et son gouvernement fut renversé par une motion de censure le 5 octobre 1962. Le pouvoir du Parlement venait de s'imposer pour la première fois de la Ve République.