L’ACTU.
Lundi 2 décembre, Michel Barnier a engagé la responsabilité de son gouvernement pour faire adopter le projet de budget de la Sécurité sociale qui est examiné en lecture définitive à l’Assemblée.
LES ARCHIVES.
L’article 49 alinéa 3 de la Constitution a été activé plus d'une centaine de fois depuis le début de la Ve République. Il permet d’accélérer un débat jugé trop long ou de contrer un blocage de l’opposition.
Jacques Chirac en 1986, Alain Juppé en 1995 ou encore Manuel Valls en 2015 : l’article 49.3 permet au Premier ministre, et lui seul comme le montre la vidéo en tête d’article, d’engager la responsabilité du gouvernement et d'imposer ainsi l'adoption d'un texte par l'Assemblée, immédiatement et sans vote. Ce passage en force d’un texte de loi est encadré, notamment par la possibilité d’y opposer l'adoption d'une motion de censure. Elle doit être déposée dans les 24 heures suivant le recours à l’article 49.3.
La brutalité de ce dispositif est toutefois très décriée par les oppositions successives. À tel point que dans l’une des archives mises en valeur dans la rétrospective ci-dessus, un journaliste présentait le texte comme une « arme nucléaire législative ».
Des motions de censure jamais adoptées
Alors qu'il ne disposait que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Rocard, avait notamment pu avancer grâce à l'utilisation de l'article 49.3. Exemple en 1989 : le gouvernement Rocard faisait adopter de force le projet de loi sur la sécurité sociale. L’opposition répliquait par une motion de censure : « Les ministres ne prennent même pas la peine d’expliquer ce qu’ils proposent au Parlement. Les voilà immédiatement engagés en 49.3. C’est-à-dire demandant la confiance, c’est-à-dire le tout ou rien sans qu’il y ait débat. Non, ça ne peut plus durer ! », justifiait Jacques Barrot, député Union du Centre de 1981 à 1995. La motion de censure fut rejetée, car elle n'avait pas été approuvée par une majorité de députés. Résultat, le projet de loi fut validé et Michel Rocard conforté.
Autre exemple en 2006, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, menait le projet de loi sur le CPE, le contrat premier embauche. La droite dégaina le 49.3. L’opposition riposta avec une motion de censure, défendue par François Hollande, député du Parti socialiste entre 1997 et 2012 : « Nous n’avons aucune crainte. Et cette censure que vous ne prononcerez peut-être pas sur les rangs de cette majorité, ce seront les Français qui le feront à votre place en 2007. »
Dans l'archive ci-dessous, l'opposition dénonçait même un « déni de démocratie » et une députée du PC parlait d'un « véritable scandale » face à un projet de loi qui va « casser [la] vie » des jeunes. Là aussi, motion de censure rejetée, car le PS n’avait pas de majorité parlementaire. En revanche, la loi n’a jamais été appliquée en raison de la fronde étudiante.
La bataille du CPE repart de plus belle : Villepin utilise le 49.3
2006 - 01:55 - vidéo
Avec le 49.3, faire voter le budget
Tous les automnes, le projet de loi de finances pour l'année suivante est présenté par le gouvernement. Ce document qui propose le montant, la nature et l’affectation des ressources et des charges de l’État est particulièrement important. Pas étonnant qu'il soit également l'un des textes qui a fait le plus l'objet de recours au 49.3. Sur la centaine de fois où l'article a été appliqué, presque la moitié l'a été pour adopter une loi de finance. L'archive ci-dessous, par exemple, montrait l'activité de l'Assemblée en octobre 1989, où l'usage du 49.3 fut suivi d'une motion de censure.
Motion de censure
1989 - 01:51 - vidéo
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, l’usage de l’article 49 alinéa 3 est limité à un projet ou une proposition de loi par session parlementaire, hors... projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. En 2022, le gouvernement d’Élisabeth Borne avait donc renoué donc avec cette habitude des exécutifs de la Ve République de recourir au fameux article pour faire adopter les budgets de l'État. En l'utilisant 23 fois. C'est désormais au tour de l'un de ses successeurs, Michel Barnier.