L'ACTU.
L'UFC-Que Choisir a annoncé le 29 mai 2024 avoir déposé plainte auprès du tribunal judiciaire de Paris contre l'entreprise Famille Michaud Apiculteurs, dénonçant une « pratique commerciale trompeuse » sur l'origine des miels. L'association pointe une pratique de marketing visant à faire croire que le miel vendu est exclusivement français, alors qu'il est en réalité constitué de différents mélanges de miels, français et/ou étrangers. L'UFC-Que Choisir regrette que les mentions évoquant l'origine française de l'entreprise, notamment sa localisation dans les Pyrénées, soit « survalorisées » sur les étiquettes, alors que le miel est majoritairement importé de pays étrangers. Toutes les marques de l'entreprise Famille Michaud Apiculteurs (Lune de Miel, Miel l'Apiculteur ou Famille Michaud) sont concernées par la plainte.
Interviewée sur France Bleu Béarn le 30 mai, la PDG du groupe, Marie Michaud, s'est défendue de toute velléité de tromperie à l'égard du consommateur : « Tous les miels qui sont conditionnés sur notre site de Gan (près de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques) sont analysés, contrôlés et l'indication des indications géographiques est bien mentionnée, et ce, même, avant la réglementation (...) Je n'arrive pas à comprendre et m'expliquer » la plainte d'UFC Que Choisir, a-t-elle déclaré.
Son discours est assez proche de celui donné dans les archives au fil des ans. Nous avons retrouvé plusieurs reportages qui, en effet, ne cachaient pas la provenance multiple des miels conditionnés, puis revendus par l'entreprise.
LES ARCHIVES.
Le reportage en tête d'archive a été diffusé sur FR3 Pau Sud-Aquitaine en septembre 2006. Il était consacré à l'une des marques emblématiques du groupe : « Lune de miel », fondée dans le Béarn en 1920, par « le premier apiculteur français » Yves Michaud. En 2006, l'entreprise familiale était déjà le leader français et le numéro 3 en Europe sur son secteur. Elle gérait une partie de la production de miel, avec ses 4500 ruches réparties dans le sud de la France, mais également le conditionnement et la commercialisation de miel français, mais aussi de produits importés. Un mix que décrivait très bien le directeur « développement agricole » du groupe. Il expliquait également que depuis 1995, la production française avait chuté à cause du changement climatique, de la pollution, de la diminution de la biodiversité et des nouveaux insecticides entrés sur le marché, notamment le Gaucho et Régent.
L'entreprise était présentée comme très stricte en matière de contrôle. Dans un laboratoire ultra-équipé, des laborantins en blouse blanche effectuaient des analyses sur tous les miels à leur arrivée pour en contrôler la qualité. Ce positionnement d'expert scientifique sera récurrent dans tous les reportages consacrés au groupe. Pour preuve, neuf ans plus tôt, Bernard Michaud, le PDG de « Lune de miel », tenait déjà ce même discours, comme le montre l'archive ci-dessous, diffusée dans « Aquitaine Première » en juin 1997. L'usine « Lune de miel » produisait alors 10 000 tonnes de miel par an. Il était clairement expliqué que dans ses emprises, on purifiait et conditionnait du miel en provenance du monde entier. « Conditionné dans d'énormes futs de 200 kilos, le miel arrive du monde entier », précisait d'emblée le journaliste.
La science au service du miel
Blouse blanche et charlotte sur la tête, c'est tout sourire que le PDG présentait en personne les différentes sortes de miel et leur texture spécifique. Il expliquait que les impuretés étaient consciencieusement retirées du produit vendu.
« Classifier, déterminer l'origine, choisir les meilleurs... au laboratoire ces analyses sont effectuées sur tous les lots », confirmait le commentaire. Le reportage se poursuivait par la visite du laboratoire qui, apprenait-on, analysait les lots des 1700 apiculteurs associés pour ne sélectionner que les meilleurs, comme le confirmait une laborantine. Elle précisait qu'ils effectuaient aussi une analyse sensorielle et pollinique pour déterminer l’appellation géographique.
« La France, ajoutait le commentaire cultivait un paradoxe » : premier producteur européen, c'était le pays où la consommation par an était la plus faible, pourtant, la production nationale restait encore inférieure à la consommation.
Visite de l'usine "Lune de miel"
1997 - 02:21 - vidéo
Augmentation du miel étranger
En 2012, à l'occasion de l'ouverture du 1er Congrès Européen des apiculteurs à Agen, un nouveau reportage de FR3 revenait sur l'entreprise Michaud. Sur fond de crise des pesticides et de frelon asiatique, qui venait d'être classé nuisible, l'avenir des apiculteurs et des abeilles était au cœur des sujets abordés durant le Congrès.
L'entreprise Michaud, quant à elle, était de plus en plus obligée de recourir au miel étranger et n'en faisait pas un secret. L'entreprise familiale, toujours implantée à Gan, employait 200 salariés et exportait 19 000 tonnes de miel à travers le monde, dans 73 pays. Le directeur de l'entreprise, Vincent Michaud, s'inquiétait de l'avenir de la filière française, « maintenant que 30% du cheptel apicole meurt chaque année dans la région, je me demande si ce n'est pas déjà trop tard... ».
Portrait : l'entreprise Michaud, deuxième producteur mondial de miel
2012 - 01:30 - vidéo
Protecteur de l'apiculture
Au milieu des années 2010, avec sa fondation « Lune de miel », l'entreprise bénéficiait d'une image très positive. La production de miel avait été divisée par 3 en 20 ans et le groupe se positionnait clairement pour la défense des abeilles. Elle pointait l'abus de l'usage des pesticides en France. Par la voix de son PDG Vincent Michaud, elle appelait les pouvoirs publics à légiférer. Le reportage ci-dessous tourné en mars 2016, à l'occasion du Salon de l'agriculture, abordait cette problématique inquiétante, même si l'entreprise restait le premier producteur mondial de miel, employant 220 salariés et commercialisant 35 000 pots de miel par an.
L'entreprise Michaud productrice de Miel présente au Salon de l'agriculture de Paris
2016 - 01:38 - vidéo
« Quand l'abeille meurt, cela veut dire qu'il y a d'autres espèces qui meurent aussi. Et l'homme est touché aussi ».
Des contrôles toujours plus rigoureux
Son sérieux scientifique, soutenu par une image de défenseur écologique des abeilles permis à l'entreprise de devenir un acteur incontournable du secteur. Dans les reportages de cette époque, l'aspect « terroir » est déjà un élément du packaging des miels. Cette bonne notoriété allait encore s'accroître, toujours en 2016, lorsque l'entreprise Michaud se dota d'un nouveau laboratoire à la pointe de la technologie, avec une machine à résonance magnétique nucléaire.
Sur les images ci-dessous, une équipe de 12 scientifiques vérifiait que le miel destiné à la vente était de bonne qualité et non pollué par des antibiotiques ou des insecticides. Par l'analyse des pollens, il s'agissait également de vérifier l'origine française du nectar. Un investissement largement relayé par les antennes locales de FR3. Ce laboratoire serait toujours le seul en France à être accrédité pour le miel en 2019.
Un laboratoire qui permettait, expliquait-on chez Michaud, de donner une garantie de qualité sur l'appellation florale et géographique du miel et à garantir qu'il ne contenait que du nectar butiné par les abeilles... Mais pas toujours en France. Le credo de l'entreprise était de rappeler que le miel qu'ils commercialisaient, qu'il soit français ou étranger était pur.
L'entreprise de miel Michaud équipe son laboratoire de recherche de matériel dernier cri
2016 - 01:55 - vidéo
Sécurité sanitaire et goût du terroir : le tiercé gagnant de Michaud.
Vrai miel français, mais surtout étranger
Ce que l'UFC-Que Choisir reproche à l'Entreprise Michaud, c'est d'omettre la provenance étrangère des miels sur ses étiquettes pour ne vanter qu'une provenance française et régionale. Ce «french washing» n'apparait pas vraiment dans les archives dans lesquelles l'entreprise ne s'est jamais cachée d'importer des miels étrangers. Ce que l'on constate, en revanche, c'est un positionnement de rigueur et d'expertise sur la qualité des miels.
Ce miel pur et qualitatif, constamment mis en avant par l'entreprise, le consommateur pouvait effectivement le prendre pour un miel français. Les nombreux plans montrant des étiquettes vantant l'origine française, voire pyrénéenne du miel, aperçus dans les reportages peuvent aussi prêter à confusion. En 2017, le PDG de l'entreprise Michaud était apparu dans un sujet dénonçant les contrefaçons de miels.
Dans ce sujet de France 2, le PDG présentait son entreprise en défenseuse du vrai miel. S'il évoquait, certes, l'achat de miel étrangers « sûrs », il développait surtout un argumentaire de contrôle du miel, en prenant l'exemple de miels français. Arguant que son laboratoire high-tech détectait des fraudes dans 35% des échantillons contrôlés. Ces miels impurs étaient rejetés et n'entraient donc pas dans la composition des miels vendus. Alors «french washing», omission ou mauvaise communication, la justice tranchera.
Les contrefaçons du miel
2017 - 04:03 - vidéo