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C'est quoi la chienlit, expression popularisée par Charles de Gaulle ?

C'est quoi la chienlit, expression popularisée par Charles de Gaulle ?

Le 18 juin, Emmanuel Macron a justifié sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale par la nécessité d'éviter « la chienlit ». Que cela signifie-t-il ? Retour en archives sur une vieille expression appréciée de Charles de Gaulle. 

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 19.06.2024
Les ministres à l'Elysée - 1968 - 00:00 - vidéo
 

Il y a des expressions et des (petites) phrases qui, utilisées en politique, sont restées dans l'histoire. « La chienlit » en fait partie depuis les mouvements étudiants du printemps 1968. Explications.

L'EXPRESSION.

« La réforme, oui. La chienlit, non. » Le 19 mai 1968, alors que l'un des conflits sociaux les plus importants du XXe prenait de l'ampleur et prolongeait les révoltes étudiantes, le chef de l'État ne cachait pas son incompréhension. Dans une petite phrase rapportée à la sortie d'un conseil des ministres par le Premier ministre Georges Pompidou, Charles de Gaulle qualifiait les mouvements étudiants de « chienlit ». Cette courte séquence est visible dans l'archive en tête d'article.

« La chienlit », c'est-à-dire le désordre, l'anarchie, l'agitation. L'expression prendrait ses origines dans un personnage du carnaval de Paris, le chienlit ou chie-en-lit. On retrouve ce terme dans plusieurs œuvres françaises, de Gargantua (1535) de Rabelais au Grand restaurant (1966) dans la bouche de Louis de Funès.

En 1968, l'utilisation par le président de la République avait mis de l'huile sur le feu et fait entrer l'expression, alors inusitée, dans la liste des petites phrases gaulliennes. Très vite, cette expression fut détournée contre Charles de Gaulle par les étudiants contestataires. C'était la naissance célèbre slogan : « La chienlit, c'est lui ! ».

Cette archive revient sur l'importance du slogan « La chienlit, c'est lui » avec l'auteur de la célèbre affiche.

Les réutilisations en politique

Devenue culte, la petite phrase du général De Gaulle fut réutilisée à de nombreuses reprises en politique. Sa remise au goût du jour par le premier président de la Ve République lui valu un grand succès, notamment à la droite de l'échiquier politique.

L'ordre étant une valeur historique de la droite traditionnelle, son antonyme, le désordre ou la chienlit, devient un outil rhétorique pour disqualifier un adversaire. Et pour se placer comme un rempart de ce désordre. Voici quelques exemples.

En 1994, l'opposition au contrat d'insertion professionnelle (CIP) menait à des manifestations d'ampleur. Comme on l'entend dans l'archive ci-dessous, le ministre de l'Intérieur Charles Pasqua affirmait sa volonté de ne pas laisser « la chienlit s'installer ».

En campagne pour les régionales de 2015, Nicolas Sarkozy (Les Républicains) affirmait : « Dans la République française, on veut l'ordre, on veut l'autorité et la protection pour chacun. On ne veut pas la chienlit. »

Certaines personnalités de la droite et de l'extrême droite allaient plus loin et se positionnaient en défenseurs d'un « ordre moral ». En 1985, le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, dénonçait la « chienlit morale », synonyme de « désordre moral », dans laquelle il considérait la France plongée et dont il estimait pouvoir la libérer.

En 2004, alors que Noël Mamère célébrait le premier mariage homosexuel, le député Philippe de Villiers (aujourd'hui membre de Reconquête) s'insurgeait : « La liberté oui, la chienlit non ». Face à lui, dans l'archive ci-dessous, des militants lui répondaient en dénonçant son homophobie.

Mariage homosexuel à Bègles
2004 - 02:00 - vidéo

« La chienlit » est donc une expression politique. Lourd héritage.

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