En pleine crise du covid, une expression surannée a été remise au goût du jour par la classe politique pour mettre en garde les fêtards peu enclins à respecter le couvre-feu et autres mesures de restrictions : « C’est fini la bamboche ! ».
Devenue quasi quotidienne dans les médias, l'expression a été répétée à l'envie et moquée pour son côté suranné. Alors que la bamboche est à nouveau autorisée avec l'allègement des restrictions pour lutter contre le Covid et ses variants, son emploi dans la vie quotidienne vire désormais au second degré, comme une raillerie du temps où elle-même, la bamboche, était interdite.
Mais le mot avait déjà été rendu célèbre par un autre homme politique par le passé : le général de Gaulle ! Nous étions alors en 1965 et si à l’époque le terme était beaucoup moins anachronique, il n’en a pas moins marqué les esprits.
Notre archive en tête de cet article est issue d’une série d’entretiens télévisés avec Michel Droit, rédacteur en chef au Figaro littéraire. A l’époque, le général de Gaulle briguait un second septennat et avait été mis en ballotage par François Mitterrand lors des premières élections au suffrage universel de la Ve République. Il s’était alors décidé à utiliser la télévision, une technologie qui commençait à se répandre dans les foyers. Objectif : faire oublier l’image d'un personnage politique déconnecté du peuple, hautain, voir vieillissant. Comprendre : se moderniser.
Dans ses entretiens, le général de Gaulle critique le régime des partis qui ne manqueraient pas de s'emparer du pouvoir si lui-même n'était pas réélu le 19 décembre. En évoquant la ménagère qui veut «le progrès sans la pagaille», il prend de la hauteur sur l’opposition entre droite et gauche.
Le «parler vrai»
Voici le passage en entier :
«Il y a, pour ce qui est de la France, ce qui se passe dans une maison. La maîtresse de maison, la ménagère, elle veut avoir un aspirateur, elle veut avoir un frigidaire, elle veut avoir une machine à laver, et même, si c'est possible, qu'on ait une auto. Ça, c'est le mouvement. Et en même temps, elle ne veut pas que son mari s'en aille bambocher de toutes parts, que les garçons mettent les pieds sur la table et que les filles ne rentrent pas la nuit. Ça, c'est l'ordre. Et la ménagère veut le progrès mais elle ne veut pas la pagaille. Et ça c'est vrai aussi pour la France. Il faut le progrès, il ne faut pas la pagaille.»
En se mettant à la place de la ménagère, et en utilisant le terme «bambocher», qui était à l’époque une expression du langage courant, pour servir son discours politique, le général de Gaulle fait ce que fera plus de 10 ans plus tard Valéry Giscard d’Estaing en s'invitant à dîner chez les Français : il se rapproche du peuple. Et réussit sa communication avec brio. «On n’avait jamais vu un politique parler ainsi», a analysé le journaliste Alain Duhamel sur France info. «Les Français ont eu l’impression pour la première fois que ce n’était pas simplement le chef d’Etat qui s’adressait aux citoyens, mais que c’était quelqu’un qui leur parlait dans leur cuisine. Cela a été un coup de génie qui s’est traduit par une victoire, pas glorieuse, mais nette».
Une façon de dire que le «parler vrai», comme avec l'emploi du verbe «bambocher», permet de toucher tout le monde. Peu importe l'époque.
Pour les créateurs de contenus
Un dossier spécial sur le général de Gaulle est disponible sur mediaclip, l'offre vidéo de l'INA pour créer, raconter et informer.