Ses années de militantisme passent mais son indignation demeure. Face à Delphine Seyrig qui explique que sa carrière de comédienne dépend du «règne des hommes», Agnès Jaoui déplore que les discours féministes sont, depuis des décennies, aussi constants dans le message qu’ils portent que dans leur absence d’effet : «Chaque lutte, chaque avancée, chaque prise de conscience, est recouverte par la pensée dominante et donc réoubliée».
En 1978, Agnès Varda annonçait l’arrivée massive des femmes dans le milieu du cinéma. En 2023, Agnès Jaoui assène la douloureuse réalité du manque de parité : «Delphine Ernotte a dit qu’elle exigeait un quota de 30 % de films réalisés par des femmes. C’est bien mais c’est bizarre quand même que 70 % des films soient réalisés par des hommes».
En tant que comédienne, Agnès Jaoui ne garde pas le même souvenir des hommes qui l’ont dirigée. Elle évoque le «talent», la «bonté» et l’«infinie douceur» d’Alain Resnais comme la «tyrannie du dictateur» Patrice Chéreau. «On peut faire des grands films sans une tension énorme, sans être violent et sans maltraiter les gens», estime-t-elle. Elle s’attendrit toutefois lorsque Jean-Pierre Bacri répond de manière totalement délirante aux questions les plus sérieuses de la journaliste Anne Andreux. L’artiste partage avec son ancien compagnon décédé en 2021 une vision bourdieusienne du cinéma et un sens de l’engagement. «Moi, je veux bien faire la pute humanitairement», exprimait-il. Jaoui opine et nuance : «Le Paris qui chante et qui danse, qui dit ce qu’il faut faire et pour qui il faut voter, ça peut être totalement repoussoir».
Comment est-elle devenue artiste ? Agnès Jaoui répond à la question après avoir écouté Woody Allen, un de ses réalisateurs préférés, parler de la conscience de la mort. «J’avais peur de mourir et que personne ne sache que j’ai existé», explique-t-elle pour justifier son besoin d’écrire, de jouer, de chanter depuis l’enfance. Pour elle, la musique constitue ce que les humains font de «plus beau». Et c’est dans ce domaine qu’elle s'épanouit le plus aujourd’hui, inspirée par Cuba, la Tunisie de ses parents, Enrico Macias et les souvenirs du Kibboutz Razor dans lequel elle s’est rendue jusqu’à ses 15 ans. «Ce qu’il y a de plus beau dans la musique, c’est à quel point elle voyage, à quel point elle se mélange, elle s’enrichit de différentes cultures».