En 2004, une jeune avocate pénaliste, Marie Dosé, se rend sur le plateau de France 5 pour critiquer la procédure du plaider-coupable censée désengorger les tribunaux. C’est sa première télévision. Elle a 29 ans. « J’ai besoin d’une justice avec un J majuscule. Je n’ai pas besoin d’une négociation », assène-t-elle face au procureur de Paris. Cet aplomb pour défendre le droit face aux emballements émotionnels qui saisissent la société française lors des affaires retentissantes, cette manière de rentrer dans ces adversaires devenus ses ennemis le temps d’un combat judiciaire, cette intégrité face aux causes qui lui semblent justes, feront sa marque de fabrique tout au long de son incroyable carrière d’avocat.
« Si on m’avait dit il y a vingt ans que j’allais passer quatre ou cinq ans à multiplier les procédures pour obtenir le rapatriement d’enfants de moins de 6 ans dans leur pays, le pays des droits de l’homme, je ne l’aurais pas cru », assure-t-elle devant un extrait de «Complément d’enquête» sur les enfants de djihadistes. Une expression qu’elle récuse : « On n’a pas appelé les enfants des collaborateurs entre 42 et 45 les enfants de collabos… S’il faut les appeler, appelons les enfants des camps ». La colère se devine derrière le ton calme. Les sentences tombent comme des évidences. Souvent là où on ne les attend pas.
Ainsi, face aux archives, Marie Dosé raconte sa pitié, lorsqu’elle était enfant, de voir Klaus Barbie, « un vieux monsieur menotté à la télévision », alors qu’elle ne savait pas de quoi il était accusé ; elle défend le droit à Bertrand Cantat de faire des concerts - « La peine a été purgée, si nous souhaitons le bannissement, prononçons les mots » - ; elle s’insurge contre les conditions de vie des prisonniers - « La peine, c’est une privation de liberté, ce n’est pas une violence d’État » - . Des convictions peu populaires, mais Marie Dosé s’en moque : « Si vous avez besoin d’être aimé il ne faut surtout pas faire avocat ».