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1978 : un général britannique imagine un scénario de Troisième Guerre mondiale déclenchée en Yougoslavie

1978 : un général britannique imagine un scénario de Troisième Guerre mondiale déclenchée en Yougoslavie

Alors que le président américain Joe Biden a alerté sur un risque d'« apocalypse » nucléaire le 6 octobre, nous avons retrouvé une archive datant de la guerre froide, un sujet du JT de TF1 de 1978, traduisant en images le livre d'un haut-gradé britannique qui imaginait le déclenchement d'une Troisième Guerre mondiale en Europe à travers une confrontation entre Américains et Soviétiques. 

Par Cyrille Beyer - Publié le 27.04.2022 - Mis à jour le 07.10.2022
3ème guerre mondiale - 1978 - 03:01 - vidéo
 

L'ACTU-

Le 6 octobre, le président américain Joe Biden a lancé une mise en garde se déclarant très inquiet d'un risque d'« apocalypse ». Une première depuis la guerre froide. Le 25 avril dernier, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait déjà utilisé la rhétorique d'une possible Troisième Guerre mondiale, afin d'empêcher les Occidentaux de trop s'engager auprès des Ukrainiens. Au cours de ce même entretien, il avait estimé que « le danger [était] sérieux et réel « et ne devait pas être sous-estimé ». Une menace d'autant plus présente aujourd'hui que les troupes russes sont mises sous pression par la contre-offensive ukrainienne. Joe Biden s'interroge donc sur la porte de sortie possible pour son homologue russe Vladimir Poutine. « Comment peut-il s'en sortir ? » pour ne pas perdre la face, s'est-il, interrogé publiquement.

L'éventualité d'une Troisième Guerre mondiale entre grandes puissances est rendue d'autant plus effrayante qu'elle suppose l'utilisation des armes nucléaires. Cette rhétorique apocalyptique est un retour aux années de la guerre froide, où la possibilité d'un affrontement direct entre Occident et bloc de l'Est aurait pu se traduire par une Troisième Guerre mondiale dévastatrice, que certains imaginaient même pouvant détruire la planète par le nombre d'ogives nucléaires détenues par les deux camps.

L'ARCHIVE-

Dans les archives de l'INA, nous avons retrouvé un document original qui témoigne de l'état d'esprit qui a pu régner au sein des opinions publiques – et militaires – occidentales durant la guerre froide, concernant le risque d'escalade nucléaire. Il s'agit d'un sujet du journal télévisé du 23 décembre 1978, sur TF1. Dans le contexte des pourparlers entre Américains et Soviétiques pour la signature d'un nouveau traité sur la limitation des armements stratégiques (le premier, SALT 1, a été signé en 1972, le deuxième le sera quelques mois plus tard, en 1979, entre Jimmy Carter et Léonid Brejnev), le journaliste Michel Vey résume, à l'aide d'images de manœuvres militaires et sur un fond de musique angoissante, l'essai d'anticipation du général Hackett, ancien commandant de l’armée britannique du Rhin, publié à Londres et sobrement intitulé Troisième Guerre mondiale. Août 1985.

Interviewé, celui que TF1 présente comme l'un des « meilleurs experts militaires en Occident », se veut à la fois rassurant et prévenant : « [Mon livre] n’est pas une prévision. Pas du tout. Je ne suis pas prophète. Mais je suis sûr que si dans nos pays de l’Ouest, de l’Alliance atlantique, nous ne faisons pas mieux que ce que nous faisons actuellement pour notre défense, dans ce cas notre situation sera très difficile [face à une éventuelle agression soviétique, NDLR]. »

La crise qu'imagine le général Hackett et qui déboucherait par effet d'escalade sur une Troisième Guerre mondiale, la voici résumée très précisément par le journaliste Michel Vey. Un scénario qui n'est pas sans rappeler certains éléments du déclenchement de la guerre actuelle entre Russie et Ukraine : « La Troisième Guerre mondiale commence au début de l’été 1985 en Yougoslavie. Le pays s’est rapproché du camp occidental après la mort de Tito. Les Soviétiques réagissent rapidement. Le 27 juillet 1985, une division de parachutistes soviétiques s’empare de Belgrade. Le président des États-Unis envoie ses marines à Ljubljana. 24 heures plus tard, les marines américains combattent les troupes parachutistes russes. Cet incident donne au haut commandement russe le prétexte longtemps attendu : ses troupes envahissent l’Allemagne fédérale et la Scandinavie. Leur objectif, le Rhin. Les premiers chars soviétiques T72 et T80 franchissent la frontière de la République fédérale en formation serrée le matin du 4 août 1985. L’offensive alliée du 15 août met en échec les troupes du pacte de Varsovie. Les soulèvements populaires éclatent partout en URSS. Certaines divisions russes commencent à se mutiner. Les Soviétiques doivent évacuer l’Allemagne. À Moscou, les Faucons décident d’utiliser le feu nucléaire. Le matin du 20 août, un missile SS-17 explose au centre de Birmingham en Grande-Bretagne. 300 000 personnes meurent en quelques minutes. Quelques heures plus tard, deux missiles américains anéantissent Minsk en URSS. La peur de la guerre nucléaire totale déclenche une révolte des nationalités en URSS qui porte un coup fatal au système soviétique. La Troisième Guerre mondiale a duré moins de trois semaines. »

L'essai du général Hackett s'insère dans une époque où de nombreuses œuvres littéraires auront pour thème l'apocalypse nucléaire. Citons par exemple Enig Marcheur (Riddley Walker), roman de science-fiction post-apocalyptique rédigé par l'écrivain britannique Russell Hoban, publié en 1980 ; La Grâce de Dieu (God's Grace), un roman de l'écrivain américain Bernard Malamud publié en 1982 ; Le livre qui brûle (The Burning Book) de Maggie Gee, publié en 1983 ; ou encore L'âge nucléaire (The Nuclear Age) écrit en 1985 par l'écrivain américain Tim O'Brien.

De précédentes menaces

Les nombreuses crises internationales qui se sont succédé au cours de la guerre froide ont ainsi périodiquement fait resurgir la peur d'un affrontement généralisé et nucléaire. On pense surtout à la guerre de Corée (1950-1953), à la crise du mur de Berlin (1961) et à la crise des missiles de Cuba (1962), dans une moindre mesure à la guerre de Kippour (1973) et à la crise des Euromissiles. Cette dernière renvoie à une longue période de tensions entre 1977 et 1987 consécutives au déploiement dans les territoires du bloc de l'Est de missiles SS-20, un déploiement qui va provoquer en retour la modernisation des forces nucléaires intermédiaires (FNI) de l'OTAN. Alors que les deux blocs se font face en Europe par missiles interposés, des discussions sur le désarmement ont lieu en parallèle. Elles aboutissent à la signature du traité sur les FNI signé le 8 décembre 1987 entre Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, qui marque la fin de la crise des Euromissiles.

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