Pour les 75 ans de la Tour Eiffel achevée en 1889, une équipe d’alpinistes a escaladé le 4 mai 1964 la « Dame de fer ». L'ascension a été filmée par les caméramen aguerris Pierre Tairraz et René Vernadet. Deux cordées de grimpeurs, formées d’un côté par Guido Magnone et René Desmaison et de l’autre par Robert Paragot et Ian Mac Naught Davis, accèderont tout en haut de la tour, juste en dessous de l’émetteur de télévision. L’évènement a été commenté en direct sur la 1ère chaîne par Pierre Sabbagh et Pierre Tchernia dans une émission réalisée par Alexandre Tarta.
Pour l’ORTF, c’est l’occasion de démontrer que la télévision constitue un canal privilégié pour valoriser les exploits sportifs, cette même équipe s’étant déjà illustrée à la télévision lors de l’ascension de l’Aiguille du Midi, retransmise en direct le 19 mai 1963.
Il s’agit également d’une belle prouesse technique : réaliser la retransmission de l'ascension en direct et en eurovision, donc accessible à travers toute l'Europe. Pour cela, elles utilisent la liaison radio reliée aux caméras ainsi qu’un hélicoptère de reportage, tout en maintenant la communication avec l’alpiniste Guido Magnone pendant la démonstration. Le reportage photo est signé Bernard Pascucci.
Nous avons demandé à l'alpiniste Charles Dubouloz ce qu'il pensait de cette ascension et de cet exploit.
Questions à l’alpiniste Charles Dubouloz
Charles Dubouloz est alpiniste et guide de haute-montagne. En janvier 2022, il a effectué la première ascension en solitaire de la voie dite « Rolling Stones » des Grandes Jorasses dans le Massif du Mont-Blanc. Une grimpe de 1200 mètres sur 6 jours.
INA - Quel regard portez-vous sur ces images de l'ascension de la Tour Eiffel en 1964 ?
Charles Dubouloz - C’est assez drôle. Ils ont amené la montagne à la capitale en quelque sorte. C’est avant tout une opération médiatique. Au niveau de la performance, c’est vraiment anecdotique. Pour des grimpeurs chevronnés, même à cette époque, gravir ce genre d’édifice, c’est de la rigolade. D’autant plus que les points d’attache sont déjà là. Ils ne sortent pas leurs mousquetons de leurs baudriers. Le matériel reste tout de même très rustique.
INA - Qu’est-ce que cela raconte sur l’évolution de la pratique ?
C. D. - L’alpinisme était beaucoup plus médiatisé à l'époque. Des alpinistes comme René Desmaison, habitué des faces Nord (souvent les plus difficiles), étaient des vrais explorateurs et connus du grand public. En 1968, il a notamment ouvert en direct à la radio une voie dans les Jorrasses qui s’appelle le Linceul. Ce qui était incroyable à l’époque. Aujourd’hui, l’approche est différente. Par exemple, en termes d’image, l’utilisation de l’hélicoptère est très mal vu. Il y a un rapport à la montagne, à la nature qui est très présent chez les grimpeurs. Un peu comme les navigateurs avec l’océan. Il y a cette conscience de préserver l’environnement dans lequel on évolue. Les drones parviennent maintenant à ramener des images. Cela reste des prouesses techniques. La montagne est un milieu hostile. On joue souvent avec notre vie. Ça rend super humble.