Yves De Bakker avec un vinyle de Johnny Hallyday édité au Japon. L'idole des jeunes est à l'honneur d'une grande exposition à Bruxelles jusqu'au 15 juin 2023. Plus d'une soixantaine d'archives INA illustrent le parcours de l'exposition. Crédits : Yves De Bakker
INA - Comment êtes-vous devenu fan de Johnny Hallyday ?
Yves De Bakker – Je me considère plutôt comme un collectionneur. Tout a commencé quand je l’ai vu sur scène la première fois à Bruxelles en 1981, à la salle de concert Forest National. Je suivais déjà Johnny depuis un an ou deux. La passion est vraiment venue en le voyant en concert. L’artiste, le personnage m’ont complètement happé. C’est quelque chose qui ne s’explique pas. Johnny a commencé sa carrière dans les années 60. Je le connaissais bien sûr, mais sans m’y intéresser. C’est la scène qui a été une révélation pour moi. À partir des années 80, j’ai fait tous les concerts à Bruxelles et à Paris. Quand on entre dans la passion Johnny Hallyday c’est comme se convertir à une religion. On a une passion, on a la foi. On entre en communion avec lui. Ce n’est pas toujours facile pour la vie de couple, car Johnny prend beaucoup de place.
INA – Qu’est-ce qui vous a attiré chez lui ?
Yves De Bakker – Son charisme, sa musique, sa voix, sa manière d’interpréter les chansons. C’est vraiment la partie artistique du personnage qui m’a attiré. Après on va plus loin. On découvre sa discographie. Je m’y suis intéressé dans les années 80, il me manquait donc 20 ans de sa carrière. J’ai pallié ce manque en achetant des disques en brocantes. J’ai commencé à chercher toutes ses chansons. J’ai appris qu’il avait chanté dans différentes langues (sept au total). Je me suis donc mis en quête de ces pressages vinyles. Et puis on se rend compte qu’il y a des pochettes différentes, donc on collectionne les pochettes. Au fil du temps, on découvre que les disques Vogue et Philipps (maisons d’édition des disques de Johnny Hallyday dans les années 60 et 70) édités en France étaient aussi édités dans le monde comme en Australie, au Japon ou en Amérique du Sud, avec un autre label et une autre pochette. Donc l’intérêt du collectionneur, c’est bien évidemment de posséder toutes ces versions.
INA – Votre collection atteint les 5000 disques. Quel est celui qui le plus de valeur à vos yeux ?
Yves De Bakker – Il se trouve que c’est celui qui est aussi le plus rare et le plus cher ! Comme je vous le disais, Johnny a chanté en plusieurs langues, comme le japonais ou le turc. Ce disque en turc de 1966 est complètement sorti des radars pendant 30 ans. C’est un ami à moi qui l’a découvert lors d’un voyage en Turquie à la fin des années 90. Il s’agit d’un 45T avec Altin Yüzük (Mon anneau d’or) et Yesil Gözerlin için (Ne joues pas ce jeu-là). Il est côté à environ 9 000 euros aujourd’hui. Ça fait quarante ans que je collectionne. Je dois avoir environ 95 % de sa discographie mondiale. Parmi les objets en ma possession, j’aime aussi beaucoup le contrat que Johnny Hallyday et Sylvie Vartan ont passé avec le directeur de l’Olympia Bruno Coquatrix en 1967.
INA – Justement, vous collectionnez aussi d’autres objets ?
Yves De Bakker – Je suis sélectif, mais il faut reconnaître que ma sélection est assez large ! Je collectionne les vinyles, les CD, les DVD, les magazines (ses plus de 2000 magazines ont servis à faire le thème de la « star » dans l’exposition, NDLR), les programmes, les cartes postales, les partitions, les livres (environs 500), les affiches de cinéma et de spectacles qui changent également en fonction des pays. J’ai prêté à l’exposition la première affiche Vogue où Halliday est écrit avec un « i », avant qu’il ne fasse la photographie pour le premier disque avec les 2 « y » qui sont restés. Je ne me séparerai jamais de cette collection. La vraie question, c’est que deviendra-t-elle le jour où je disparaîtrai ?
INA - Au-delà de l’artiste, est-ce que l’homme vous intéresse également ?
Yves De Bakker – Pas vraiment. Je ne me suis pas trop intéressé à sa vie privée. Cependant, je sais bien évidement que l’homme a été blessé dès sa plus tendre enfance puisqu’il a été abandonné par son père. Il n’a pas eu une vie normale en quelque sorte. Je pense que c’était quelqu’un de très sensible, de généreux de gentil et de cultivé. Il était belge par son père Léon Smet. Je pense qu’il y avait aussi une relation particulière avec la Belgique. Quand il jouait ici, il faisait beaucoup d’allusions. Je crois qu’il aimait tendrement le public belge.
INA - 5 ans après sa disparition, ressentez-vous un vide ?
Yves De Bakker – Depuis qu’il n’est plus là, il n’y a plus vraiment grand-chose à laquelle s’attacher. Bien sûr, pour moi collectionneur, il y a toujours cette passion dans la recherche d’objets. Je suis tous les jours dans ma collection. Mais on ne le voit plus à la télévision en concert ou au cinéma. Donc oui il y a un manque. Sa tombe est à Saint-Barth, à l’autre bout du monde. Il n’existe aucun lieu de mémoire. Je pense que cette exposition arrive au bon moment. C’était vraiment une demande forte du public. Avec tous ces objets, costumes, trophées, on a un bon aperçu de l’ensemble de sa carrière même si ce n’est pas complet. J’espère qu’au-delà de cette exposition itinérante (l’exposition sera à Paris en 2024), il existera un lieu fixe, comme un musée à Paris par exemple. Nous parlions de religion. Il manque ce lieu de recueillement. Dans l’exposition, il y a une archive où Claude Lelouch dit : « Johnny nous a donné beaucoup de bonheur durant toutes ces années et il nous en donnera encore longtemps ». Je crois que tout est là. J’ai pu tisser un véritable réseau d’amis grâce à cette passion. Je crois que ça, ça n’a pas de prix.