Le 18 mai 2022, 84 jours après le début de l’invasion russe en Ukraine, débute le premier procès d'un soldat russe de 21 ans. Il comparaît devant le tribunal pour crime de guerre après avoir tué de sang froid un civil non armé d'une soixantaine d'années qui se circulait à bicyclette. L'accusé a reconnu les faits mais déclare avoir agit sous ordre de sa hiérarchie. Ce procès devrait être suivi par d'autres, alors que les institutions internationales mènent également leurs propres enquêtes sur les exactions commises par les troupes russes dans ce pays.
Depuis le début du conflit, fin février 2022, des ONG, dont Human Right Wtach, ont affirmé que des femmes et des enfants ukrainiens avaient été victimes d'exactions et de violences perpétrées par les forces de Moscou. Des faits qui ne sont pas sans rappeler ceux commis par l’armée russe en Tchétchénie et mis en avant par un rapport d'Amnesty International en 2002. A l'époque, un seul officier russe avait été arrêté pour le viol et le meurtre d'une adolescente tchétchène de 18 ans et jugé. Un procès retentissant, celui du colonel Iouri Boudanov, qui avait reconnu avoir tué la jeune fille, allait devenir le symbole de l'impunité de l'armée russe dans la guerre qu'elle menait depuis octobre 1999 contre les indépendantistes tchétchènes.
Dans l'archive en tête d'article, diffusée le 29 octobre 2002, dans le 12-14 de France 3, on voit le colonel Iouri Boudanov qui devait alors être jugé pour le meurtre de la jeune Elsa Koungaïeva, assassinée en mars 2000, après qu'il l’ait interrogée. L'adolescente avait été retrouvée violée et étranglée.
Depuis le drame, la famille de la jeune fille s'était réfugiée en Ingouchie dans un camp d'accueil. Face caméra son père déclarait : « Ce que je veux aujourd’hui, c‘est connaître la vérité. Pas dans un esprit de vengeance mais dans un souci de justice. » Il ajoutait : « Des histoires de ce genre, il s’en produit des milliers, mais les autorités russes voudraient faire croire que le cas de Boudanov est un cas isolé. Ce n’est pas vrai. Des histoires comme ça, il y en a beaucoup en Tchétchénie. »
Impunité
Le 16 décembre 2002, après deux années de procédures, le colonel Iouri Boudanov était reconnu « irresponsable » lors d'une quatrième expertise psychiatrique, dont les résultats ont été lus à huis-clos au tribunal de Rostov-sur-le-Don.
Le document ci-dessous raconte l'histoire de ce procès et le combat des parents de l'adolescente, soutenus par Abdoullah Khamzayev, avocat. Il s'agit d'un reportage réalisé par Dominique Derda pour le magazine « Un oeil sur la planète » diffusé en mars 2003.
Les images nous plonge dans l'ambiance du procès, à l'extérieur où les soutiens du colonel se sont rassemblés, et dans la salle d'audience où les juges statuent. Nous suivons également les parents et leur avocat dans leur long combat. Le père raconte sa version de la mort de sa fille. Quant à l'avocat Abdoullah Khamzayev, après avoir dénoncé l'impunité des militaires envoyés en Tchétchénie qui « pensent qu'ils peuvent tout faire : tuer violer, voler, piller... sans être réellement inquiétés », il espérait qu'avec ce procès, « au moins un de ces criminels » répondrait de ses actes.
L'enquête du journaliste explique aussi comment et où les expertises psychiatriques avaient été menées et pourquoi elles avaient conclu à des troubles mentaux aboutissant à l'« irresponsabilité » alors que l'accusé avait reconnu les faits.
En juillet 2003, après un appel de la famille, l'ex-officier sera finalement condamné à 10 ans de prison. Ce colonel, qui était devenu le symbole des crimes de guerre commis lors de ce conflit par l'armée russe, allait bénéficier d'une mesure de libération anticipée. Il est sorti de prison le 15 janvier 2009.
Le procès du colonel Boudanov
2003 - 13:06 - vidéo