Chaque jour des civils ukrainiens meurent sous les bombes russes. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit le 3 avril « profondément choqué par les images de civils tués à Boutcha », dans la région de Kiev, où de nombreux corps ont été découverts après le départ des forces russes. Lundi 30 mai, le journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff a été victime d'un éclat d'obus alors qu'il suivait une opération humanitaire en Ukraine. Le parquet national antiterroriste français a annoncé l'ouverture d'une enquête judiciaire pour «crimes de guerre».
Assiste-t-on effectivement à des crimes de guerre ? La cour pénale internationale de La Haye (Pays-Bas) enquête sur la situation. Mais vendredi 23 septembre, la commission d'enquête de l'ONU sur l'Ukraine a affirmé que «des crimes de guerre ont été commis» dans le pays depuis février dernier.
Le crime de guerre a été clairement défini, notamment dans les Conventions de Genève et par plusieurs instances internationales : dans le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945, au sein des Nations-Unies, ou dans le Statut de Rome (les 59 alinéas de l'article 81) qui régit les compétences de la Cour pénale internationale (CPI) créée en 1998 pour lui permettre de poursuivre des violations graves du droit international. Le crime de guerre est avéré lorsque dans un conflit l’une des parties s'en prend volontairement à des objectifs non militaires, aussi bien humains que matériels. Les bâtiments culturels ou historiques bénéficient également de ce statut. A l'instar des crimes contre l'humanité, ils sont imprescriptibles, quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis.
Dans l’archive proposée en tête d’article, datée du 26 février 1991, l’historien François Bedarida revient sur cette notion de crime de guerre. Au 41e jour de la guerre du Golfe, aux États-Unis comme partout, on commençait alors à rassembler les informations qui pourraient servir à traduire Saddam Hussein en justice pour crimes de guerre.
Massacres et destructions
L’historien expliquait que les crimes de guerre avaient été définis par le tribunal de Nuremberg qui avait distingué lors du procès trois types de crimes : « contre la paix, c'était la politique d'agression menée par l'Allemagne nazi. C’était ensuite, les crimes de guerre et enfin, les crimes contre l'humanité.»
François Bedarida citait ensuite plusieurs exemples de violences pouvant être associées à des crimes de guerre : « Les exécutions de prisonniers, les massacres de populations civiles, les assassinats d'otages et même les destructions de villes ou villages sans impératif militaire ». Il précisait que cette clarification et l'élargissement de la définition avaient été demandés à l'issue de la guerre « notamment par les Français et par les Russes. »
Interrogé sur le cas précis de Saddam Hussein, il expliquait qu’il pourrait être poursuivi si il y avait eu un massacre de civils : « Si effectivement, on a arraché des bébés de leurs couveuses, là il y a crime de guerre ». Mais il ajoutait un bémol : « Encore faut-il que ce soit démontré. ».
L'historien concluait en ajoutant que la destruction de toute l'économie d'un pays « à une très grande échelle » pouvait également rentrer dans la définition du tribunal de Nuremberg puisque le mot « pillage » figurait bien dans les statuts qui définissaient les crimes de guerre.
Prouver les faits
Les exactions qualifiées de crimes de guerre sont imprescriptibles mais encore faut-il pouvoir les prouver. C’est la mission de la Cour pénale internationale de la Haye.
En juillet 1998, 120 pays approuvaient la création d'un Tribunal international permanent, destiné à juger les criminels de guerre et les auteurs de crimes contre l'humanité. Il était habilité à engager des procédures à la demande d’un état ou du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais ce tribunal avait ses limites. C'est ce qu’expliquait la présidente, Gabrielle Kirk Mac Donald, en novembre 1998 dans l'archive ci-dessous.
Quelques mois à peine après sa création, le Tribunal pénal international était chargé de juger les crimes commis en ex-Yougoslavie. La présidente américaine était débordée et se heurtait à l'intransigeance de la Serbie qui ne reconnaissait pas la compétence du tribunal. Elle expliquait que sans la coopération des états, elle ne pouvait rien, déplorant le manque de moyens légaux.
Tribunal de La Haye
1998 - 02:06 - vidéo
« Nous n'avons pas de forces de police, nous ne pouvons pas envoyer des policiers arrêter des individus, nous ne pouvons pas émettre des mandats d'amené comme peuvent le faire des juridictions nationales ».
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