Mercredi 9 mars, des couloirs humanitaires devaient être mis en place dans certaines villes ukrainiennes pour évacuer des civils. Six couloirs humanitaires devaient déjà être ouverts en partant de quatre villes de l'est de l'Ukraine mais tous menaient en Russie ou dans des provinces pro-russes. Ils avaient donc été refusés par les Ukrainiens. Par ailleurs, quelques jours plus tôt, le couloir destiné à faire sortir les civils de Marioupol a été bombardé, reportant le projet d'évacuation. Le tracé et les modalités du contrôle des corridors humanitaires proposés par les Russes ne correspondent pas aux normes internationales en vigueur. Ils ne respectent pas les conditions de sécurité attendues par la communauté internationale, notamment en matière de cessez-le-feu et de protection des civils.
Une situation qui n'est pas sans rappeler certaines évacuations précédentes organisées par l'armée russe, à l'image des corridors lors du conflit en Tchéchènie de 1999. A l'époque, les Russes avaient également proposé d'évacuer les civils des zones de combats, notamment de Grozny. Mais comme aujourd'hui, ils avaient continué à bombarder la ville alors que la population tentait de fuir pour rejoindre le corridor.
La joie d'un soldat
« C'est jour après jour des assauts contre les rebelles, des avancées des militaires russes parfois accompagnées d'exactions et de nettoyages qui cachent des morts civils dans des massacres et des exécutions sommaires. Les villes prises par les russes sont souvent rasées », ainsi débute l'archive en tête d'article, un reportage de Dorothée Olliéric sur les victimes de la guerre en Tchétchénie. Elle nous plonge au coeur de l'évacuation d'une partie des habitants de Grozny, le 13 décembre 1999.
En territoire tchétchène sur la route de Grozny, venant d’Ingouchie, un soldat russe assure qu’ils ont reçu des ordres pour laisser sortir de 2 à 3000 personnes : « C’est certain, ils sortiront ». Mais la reporter s'interroge sur les conditions de l'évacuation. Elle n'a dénombré que 200 civils présents à l'entrée du corridor, les hommes « d’un côté, effrayés par les militaires russes » séparés des femmes « tétanisées par les tirs » .
Cette évacuation se déroule après trois jours de combats incessants à Grozny, située à 3 kilomètres de là. Côté russe, on exulte. Un militaire déclare fièrement : « Nous, on n’a presque pas de pertes, eux ils ont perdu beaucoup d’hommes. »
Fuir l'enfer
Au moment de ce reportage, 40 000 personnes étaient encore prisonnières des combats, et seuls quelques centaines avaient osé quitter la ville assiégée. Officiellement, les russes annonçaient avoir mis en place un couloir humanitaire, mais la situation n'était pas sécurisée comme elle le devrait. L'arrivée jusqu'au corridor était extrêmement dangereuse pour les civils qui devaient parcourir plusieurs kilomètres sous les tirs russes : « Il n’y a pas aujourd’hui de bombardements aériens bien-sûr, mais l’artillerie tonne sans cesse à proximité de cette route. », précisait d'ailleurs la journaliste.
Un contexte dangereux que lui confirmaient des femmes qui venaient de passer trois mois sous les obus, la peur au ventre. Elles exprimaient leur lassitude face aux « bombardements permanents », ajoutant épuisées : « Ils tirent avec des missiles sur les quartiers civils. Nous, on est miraculées. Vraiment on sort de l’enfer. C'était l'enfer, horrible. »
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