Orange Mécanique, l'un des films les plus célèbres de Stanley Kubrick, sortait en avant-première aux Etats-Unis il y a cinquante ans, le 19 décembre 1971. En France, le film sortait le 1er avril 1972. L'occasion de revenir sur la personnalité de Stanley Kubrick, considéré comme l'un des plus grands génies du Septième art. Admiré de tous pour son talent, sa créativité, la diversité des genres qu'il a abordés au cours de sa carrière, Kubrick était doté d'un fort caractère, perfectionniste, qui ne plaisait pas à tous ses acteurs. Dans nos archives, nous avons retrouvé plusieurs témoignages qui illustrent ses différentes facettes. Morceaux choisis, de Sterling Hayden à Nicole Kidman.
« Quand j’ai joué pour Kubrick dans Docteur Folamour (Dr. Strangelove), et Dieu sait que c’est un film splendide, et que je m'en tire pas mal, mon premier jour [sur le plateau] a été le pire de ma vie, j’oubliai mon texte »… Sterling Hayden
La crainte de tous les acteurs : un terrible trou de mémoire au premier jour de tournage. La collaboration avec le grand Stanley Kubrick ne peut pas plus mal commencer pour Sterling Hayden, un des rôles principaux dans Docteur Folamour (1962). Heureusement, le réalisateur n’en prend pas ombrage, et se sert même de ce trac pour mieux modeler le personnage de son acteur.
« J’ai aimé Kubrick, il était froid, […] je le respectais, j’aimais sa façon de travailler » Sterling Hayden
Sterling Hayden n'en est pas à son premier rôle pour Kubrick. Dans L’Ultime Razzia, (The Killinkg), tourné en 1956, Sterling Hayden campe déjà le personnage principal. De ce film, il se rappelle la bonne ambiance autour de l'équipe, et de sa froide, mais réelle entente avec Stanley Kubrick, dont il admire le talent.
« Kubrick, un sale con qui a du talent » Kirk Douglas
Kirk Douglas, qui interprète le rôle principal des Sentiers de la Gloire (Paths of Glory) et de Spartacus, réalisés respectivement en 1957 et 1960, ne partage pas tout à fait le même avis.
Sur le plateau d’Apostrophes, en 1987, avec son panache habituel, il distingue le talent d’un artiste de ses qualités humaines. L’un ne va pas forcément avec l’autre. Et l'un va souvent sans l'autre. Selon Kirk Douglas, c’est le cas avec Stanley Kubrick, un « homme avec beaucoup de talent… »
« Faire le film était une telle joie, ils [Kubrick et son équipe] étaient plein d’attention pour moi, exceptionnels » Sue Lyon
Toujours à la recherche de nouveaux univers, Stanley Kubrick réalise en 1960 Lolita, l’adaptation du chef-d’œuvre sulfureux de Vladimir Nabokov. C’est Sue Lyon qui est choisie pour interpréter Lolita. Pour la jeune actrice, c’est un premier rôle déterminant pour la suite de sa carrière.
Elle évoque en 1987 avec amusement l’ambiance du tournage et ses essais - où Kubrick et son scénariste se montrent provocants dans leurs questions - pour décrocher le rôle. Avec le réalisateur et son partenaire de jeu James Mason, les rapports se révèlent finalement excellents.
Sue Lyon : souvenirs de Stanley Kubrick et "Lolita"
1987 - 04:02 - vidéo
Une qualité humaine sur un tournage que l'actrice ne retrouvera plus dans la suite de sa carrière, découvrant la réalité d’un monde du cinéma qu’elle qualifie de « méchant ».
« Avec Stanley Kubrick, c’est un peu une relation haine/amour » Malcom McDowell
Après le chef-d’œuvre métaphysique 2001, l’Odyssée de l’Espace, réalisé en 1968, Kubrick ajoute en 1971 un nouvel opus à son œuvre. Orange mécanique (A Clockwork Orange) enthousiasme et dérange, mais ne laisse pas indifférent. Son anti-héros, interprété par Malcom McDowell, fascine.
En 1991, l’acteur britannique revient sur les sentiments forts qu’il éprouve pour Kubrick : « J’ai adoré travailler avec lui, j’ai adoré faire l’acteur pour lui, parce qu’il était bon public, par rapport à mon travail, mais après le tournage, il a eu un sentiment de rejet vis-à-vis des gens, et tout ce qu’il y avait en lien avec le film […] et j’en ai été très peiné. »
« Kubrick pouvait tourner jusqu’à 40 fois la même scène » Marisa Berenson
1975, nouveau projet pour Stanley Kubrick, encore une fois totalement différent de ce qu’il a pu réaliser. Avec Barry Lindon, il s’attelle au film en costumes. Il place ses deux acteurs principaux, Ryan O’Neil et Marisa Berenson dans une Angleterre du XVIIIe siècle inspirée des tableaux de Gainsborough.
Marisa Berenson à propos de son rôle dans "Barry Lyndon"
1976 - 02:07 - vidéo
Pour Marisa Berenson, le tournage, qui dure un an, est marqué par les innombrables répétitions des scènes avant le tournage, « jusqu’à ce que ce soit parfait […], en costumes et dans les conditions de tournage ». Lorsque tout est en place, Kubrick peut aller « jusqu’à tourner 40 fois la même scène ».
« Stanley fait ce qu'il faut juste au moment où il le faut » Jack Nicholson
Une obsession, une manie du détail et de la perfection qui se retrouve sur tous ses tournages. Cinq ans après Barry Lindon, Kubrick filme Shinning, une adaptation du roman de Stephen King. Le tournage, dans un endroit isolé, y est particulièrement éprouvant pour Jack Nicholson et Shelley Duvall.
Shelley Duvall admet néanmoins que ces tensions entre les acteurs et le réalisateur ont contribué à rendre le film si spécial : « sans de tels conflits de personnalité, le film n’aurait pu être aussi réussi ; cela aide aussi à sortir le meilleur de nous même, on ressent de la colère, Kubrick le sait, c’est pour ça qu’il est dur avec moi, c’est comme une sorte de jeu ».
« Je pouvais dire que je n'étais pas d'accord, il me disait que j'avais du caractère » Nicole Kidman
En 1999, quelques mois après la mort de Kubrick, sort son dernier film, Eyes Wide Shut. Tom Cruise et Nicole Kidman interprètent cette histoire d'un couple en crise, inspirée d'une nouvelle d'Arthur Schnitzler. Le tournage est, une fois de plus, exigeant. Mais, aux dires des deux acteurs stars, alors en couple, le jeu en vaut la chandelle.
Film Stanley Kubrick
1999 - 03:12 - vidéo