L'ACTU.
En 2023, la France manque d'eau. Elle n’a pas connu un si faible niveau de précipitations depuis le début des mesures de pluviométrie par Météo-France, en 1959. Il n'a pas plu dans de nombreuses régions depuis plus d'un mois, un fait rarissime en cette période. Une situation déjà vécue lors d'une autre importante sécheresse hivernale en 1989.
LES ARCHIVES.
En février 1989, faute de pluie et de neige, les réserves d’eau potable connaissaient un déficit de 70%, notamment dans la région toulousaine. Dès février se posait une question cruciale relayée dans les journaux télévisés : devait-on, ou non, réserver l’eau à la consommation, au tourisme fluvial ou à l’irrigation des cultures ? Un choix cornélien que les autorités auraient bien des difficultés à résoudre comme le montre les archives présentées dans cet article.
La première archive à découvrir en tête d'article décrit la problématique de l'époque. Au cœur des débats d'alors se trouvait l'éventuelle fermeture du Canal du Midi reliant l'Atlantique (via la Garonne) à la Méditerranée. Comme de nos jours, il représentait un pôle touristique incontournable de cette région reliant Toulouse à la « grande bleue » sur 250 kilomètres depuis le XVIIᵉ siècle. Cet itinéraire magnifique serpentant entre collines, vignes et petits villages se retrouvait menacé. Ce joyau qu'on explore à pied ou à vélo, ou en bateau, était déjà l'emblème du Languedoc, du Midi et de son histoire, mais le Canal du Midi devenait aussi cette année-là un enjeu économique.
À « la montagne noire », dont les réserves alimentaient le Canal du Midi, on espérait toujours de la pluie, expliquait le journaliste commentant les images de réservoirs asséchés, mais il aurait fallu qu'elle tombe « en abondance et régulièrement jusqu'en mai » pour remonter le niveau des nappes phréatiques.
La situation était catastrophique. Il ne restait plus qu’un ou deux mois de réserve d’eau potable pour les habitants. Les responsables du barrage des Cammazes puisaient déjà dans le fond du bassin pour la consommation courante, devant traiter les eaux. Du côté du Canal du Midi, le niveau inquiétait lui aussi, il rendait déjà impossible l’assurance d’un « tirant d’eau » suffisant pour assurer la navigation aux usagers. Les autorités avaient donc décidé d’avancer d’une semaine sa fermeture pour son entretien annuel. La seule activité sur les berges de la Garonne, était celle des pêcheurs qui fouillaient les rives à la recherche d’appâts pour l’ouverture prochaine de la saison.
Le tourisme nautique menacé
Deux mois plus tard, comme on peut le découvrir dans l'archive ci-dessous, la situation s'était encore aggravée et la sécheresse faisait les titres alarmistes des éditions régionales de FR3. Le canal du Midi risquait bel et bien de fermer tout l’été à cause du manque d'eau. Entre Carcassonne et Toulouse, les barrages de réserve affichaient tous un niveau alarmant. Le tourisme nautique risquait d'en faire les frais dans les semaines à venir. Interrogé, John Riddel, le directeur de « Blue Line Midi », des « house boats », sorte de maisons flottantes qui fourmillaient sur le Canal à la belle saison, faisait part de ses inquiétudes. Entre Carcassonne et Toulouse, la partie alimentée par le lac de Saint-Ferréol, « la plus jolie » risquait de fermer. C’était mauvais pour le tourisme fluvial et pour les petites communes qui comptaient sur cette ressource économique.
L’approvisionnement en eau du canal devenait un enjeu majeur, surtout d'un point de vue économique. Le journaliste regrettait que le canal soit devenu une sorte de produit « à consommer à date sûre et certaine » et rappelait qu’autrefois « le canal était fermé pour l’été », ce qui devenait impensable « à l’heure du tourisme de masse ». Il ajoutait qu'il devenait urgent « de réfléchir une bonne fois pour toutes à la maîtrise de l’eau dans ces régions ». Des investisseurs étrangers souhaitaient investir dans les activités touristiques du canal, mais le journaliste concluait ironiquement : « encore faut-il qu’il y ait de l’eau ! »
Projet de fermeture du canal du midi
1989 - 02:20 - vidéo
Des agriculteurs « assoiffés »
Le 11 avril 1989, l’annonce de la fermeture du canal tombait. Le tronçon choisi s’étendait entre Castelnaudary et Carcassonne. Une annonce accueillie de manière stoïque par les navigants, mais moins du côté des agriculteurs, qui eux, réclamaient une fermeture totale du canal pour pouvoir irriguer leurs 40 000 hectares de cultures.
En laissant le canal ouvert, même en partie, seule la consommation en eau potable serait assurée, ne laissant aucune ressource aux paysans. Pour le responsable de la chambre d’agriculture de Haute-Garonne, la question ne se posait pas : « je pense que les agriculteurs ont quand même une priorité importante ». En attendant, certains agriculteurs reconvertissaient une partie de leurs cultures en variétés moins consommatrices d’eau que le maïs, comme le sorgho ou le tournesol.
Haute-Garonne : changement de culture et manque d'eau
1989 - 02:34 - vidéo
Priorité à l'eau potable
Finalement, fin juin 1989, face au manque d'eau, les autorités décidaient de ne pas rouvrir le Canal du Midi à la navigation. Contre l'avis des agriculteurs, le préfet Jean Coussirou annonçait la priorisation de l’approvisionnement en eau potable. Il appelait les agriculteurs à restreindre l'irrigation et « à se partager les maigres ressources existantes. C’est de la faute à personne ! Il y a des ressources limitées, il faut qu’elles soient partagées équitablement », déclarait-il dans le JT de 20h00 de F2.
Sécheresse
1989 - 01:09 - vidéo