Nicolas Mathieu pourrait très bien être un ami qui vous veut du bien. Ou un copain qui va devenir un bon ami. Ou encore un vieux camarade que l'on aime revoir de temps en temps. Dans «adn», l'émission de l'INA, l'écrivain goncourisé en 2018 pour Leurs enfants après eux utilise de très nombreux mots précis pour décrire l'amour, la littérature et sa vie. En l'écoutant, on apprend à le connaître comme si on le connaissait déjà. Il se dit «passionné de l'amour» tout en étant «traversé par son époque» dans laquelle il «exerce une fonction littéraire et critique».
C'est un regard, le sien, qu'il raconte face aux archives de l'INA. Face à Georges Perec, il loue «la puissance de l'imaginaire» et, encore, la littérature puisque «le temps va tout balayer». Pour lui, «tout» a convergé vers cela, écrire : il assure avoir été un petit garçon qui se débrouillait bien à l'écrit, il pouvait ainsi attirer l'attention. Davantage encore qu'une vocation, l'écriture a été le chemin : «Je n'ai jamais imaginé autre chose».
Il analyse posément son rapport au succès venu de ses écrits et de son prix Goncourt, «ça m'a libéré de certains nombres de contraintes économiques et d'un certain nombres d'angoisses, c'est comme un brevet de reconnaissance». Mais «la sécurité financière ne fait pas réaliser de bonnes choses», alors il travaille, et s'ancre dans la réalité, de peur de «perdre l'influx nerveux de la vie normale».
«Je fais une littérature que j'estime politique, mais je ne me considère pas comme un intellectuel engagé», explique-t-il, maniant très souvent le «en même temps». Face à la France championne du monde 1998, il s'interroge encore et toujours. C'est très certainement ce qui le rend attachant : «Comment on fait pour vivre ensemble alors qu'on peut pas se blairer ? Comment les sociétés fonctionnent et d'autres pas ?».
Il voit même du «en même temps» dans la chanson Les lacs du Connemara de Michel Sardou : «Elle s'intéresse à ce qui nous sépare et à ce qui nous réuni, elle est connue de tout le monde mais elle n'est pas pratiquée de la même manière car elle signale une frontière et un pont entre un roman populaire et épique». Il confesse avoir intitulé son roman Connemara, celui qui a suivi le Goncourt, par goût de la provocation, «et pour dire que je n'ai pas été complètement happé par la légitimité culturelle».
Son regard sur le réel convoque toujours la littérature, qui «essaye de rendre le réel, de raconter tout ce qui se passe dans les têtes avant l'acte». Il aime l'amour, ce sentiment «désordonné» qu'il défend dans ses écrits quotidiens sur les réseaux sociaux. Même si tout revient à la littérature : «J'ai longtemps aimé tout seul, on essaie d'atteindre l'autre, on essaie de l'affecter, pour moi, cette plainte est littéraire». Avec la rigueur du travail, «être dur au mal» pour faire «ce qu'il faut».