Aller au contenu principal
Entre les loups et les éleveurs, des décennies d'attaques et de méfiance

Entre les loups et les éleveurs, des décennies d'attaques et de méfiance

Réunis à Strasbourg le 3 décembre 2024, les pays signataires de la Convention de Berne ont approuvé le déclassement du statut de protection du loup qui datait de 1979. Il passe d'espèce « strictement protégée » à « protégée ». De quoi satisfaire les éleveurs.

Par Florence Dartois (avec Paul Basse) - Publié le 03.12.2024
Loups et éleveurs, 25 ans de guerre - 2018 - 02:37 - vidéo
 

L'ACTU.

Le 3 décembre 2024, réunis à Strasbourg, les 50 pays signataires de la Convention de Berne ont approuvé à une large majorité (34 sur 50) le déclassement du statut de protection du loup. Une rétrogradation d'espèce « strictement protégée » à « protégée » qui va permette de faciliter son abattage (« prélèvement »).

La Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe signée le 19 septembre 1979 avait pour objectif « d'assurer la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leur habitat naturel ». Elle accordait une attention particulière aux espèces migratrices menacées d'extinction et vulnérables énumérées dans les annexes. Notamment le loup, « Canis lupus », qui bénéficiait en annexe II, du statut le plus protecteur, celui d'espèce « strictement protégée ».

Sujet sur la signature à Berne (Suisse) de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe dans le JT Alsace Soir le 19 septembre 1979.

En déclassant le loup, les 50 membres de la Convention de Berne ont répondu positivement à une proposition de l’UE visant à modifier les annexes II et III de la Convention de Berne sur le loup soumise en septembre 2024. Dans sa demande l'Europe expliquait se baser sur deux récentes études de 2022 montrant la tendance positive du rétablissement du loup ces dernières années sur le continent européen, « avec une expansion considérable de son aire de répartition (...) aujourd'hui l'espèce est présente dans tous les pays d'Europe continentale, certains accueillant de grandes populations de plus de 1 000 individus ». S'appuyant sur une « analyse approfondie de 2023 », l'UE mentionnait dans sa demande que le nombre de loups a pratiquement doublé en Europe en l'espace de 10 ans, pour atteindre 20 300 individus en 2023, pour la plupart dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne.

L'UE précise que cette expansion est à l'origine de difficultés de « coexistence avec les activités humaines, notamment en raison des dommages causés au bétail, qui ont atteint des niveaux importants ».

En France, plusieurs agriculteurs dénonçaient depuis début novembre des attaques sur leur bétail ainsi qu'une inaction de l'État concernant l'autorisation de tirs de défense. Ces alertes des éleveurs sont anciennes et récurrentes comme le montrent les archives du montage disponible en tête d'article.

LES ARCHIVES.

Les loups sont le cauchemar des éleveurs. L’animal, disparu en France, depuis les années 1930, est réapparu en 1992 en provenance d’Italie. Depuis, les attaques contre les troupeaux se sont multipliées.

« Il faut abattre le loup, directement, l’abattre complément... » Les archives montrent de nombreux reportages dans lesquels certains éleveurs exaspérés et radicaux se déclarent prêts à prendre les armes, même si le loup est une espèce protégée. Comme en 1997, dans une manifestation dans les rues de Nice, dans les Alpes-Maritimes.

C’est dans ce département que le loup tue le plus de bétail et que les pouvoirs publics tentèrent en 2000 de faire cohabiter loups et éleveurs. Sans grande réussite comme le montre une autre archive. Pour calmer le débat, cette même année l’État indemnisait les éleveurs en cas d’attaque mortelle ou ayant causé des blessures aux troupeaux. Un budget multiplié par trois, passé de 6 millions d’euros en 2010 à 18 millions en 2015.

Le succès mitigé des plans loup successifs

Un montant jugé trop élevé par le gouvernement en 2018 et qui décidait de lancer un nouveau plan loup 2018-2023. Il devait imposer de prendre des mesures de précaution, par exemple, des clôtures ou des chiens de protection (à l'image du chien de race patou, un chien de berger des Pyrénées). Un surcoût rejeté par les associations d’éleveurs. L'initiative a pourtant été renouvelée dans le plan loup 2019-2024.

À Rouvray, Rasta, montagne des Pyrénées de 4 ans, est aux aguets. Avec l'aide de Rafale, le chien de conduite, Rasta, le patou, rassemble l'ensemble des brebis. Le travail des chiens de protection est essentiel pour protéger le troupeau des prédateurs (du loup), et rassurant pour l'éleveur. 

Août 2023. Le futur plan loup pour la période 2024-2029 crée des tensions dans le Puy-de-Dôme. L'office français de la biodiversité (OFB) en charge d'estimer la population de ce prédateur indique une baisse du nombre d'individus. Les agriculteurs craignent donc en retour une baisse du nombre d'abattages autorisés alors que selon eux, les attaques augmentent.

Trois attaques de brebis avaient été comptabilisées dans le département depuis septembre 2022. En 2023, 174 tirs ont été autorisés contre le loup. Un plafond jugé trop élevé par les associations et l'OFB.
 

Quel avenir pour le loup ?

Avec la décision de la Convention de Berne, la guerre des loups risque de continuer encore longtemps. L'amendement voté le 3 décembre devrait entrer en vigueur début mars 2025.

Du côté de la protection des animaux, les associations déplorent la décision. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) estime, par exemple, que cette décision risque de mettre en péril la survie d'une espèce encore vulnérable sans résoudre pour autant les difficultés auxquelles font face les éleveurs. Sabien Leemans, responsable principale de la politique en matière de biodiversité au bureau européen du WWF, a déclaré au Monde : « Les loups deviennent les premières victimes de décisions politiques qui ne sont pas basées sur la science, ce qui crée un dangereux précédent (...) cela porte atteinte à des décennies d’efforts de conservation et va détourner l’attention des mesures de prévention des dommages qui sont la meilleure solution pour favoriser la coexistence. »

Grand format : loups, de plus en plus nombreux en France

Un reportage du 3 octobre 2020 dans le 20h de France 2 sur l'expansion du loup sur tout le territoire français.

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.