L'ACTU.
La chanteuse Loretta Lynn est morte le 4 octobre à l’âge de 90 ans, dans son ranch dans le Tennessee. Peu connue en France, cette pionnière de la country racontait dans ses chansons la vie sentimentale d'une grande partie des femmes américaines. Dans des textes inspirés de sa propre vie, comme son mariage précoce ou son mari volage, elle personnalisait le sort des femmes dans une société paternaliste. Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser aujourd'hui, Loretta Lynn assumait parfaitement ce positionnement artistique. Très traditionaliste, cette fille de mineur était tout de même parvenue à atteindre le sommet des charts à partir des années 1960, dans un genre musical plutôt masculin.
LES ARCHIVES.
Loretta Lynn n’était pas une féministe. Au contraire, elle dénigrait ce mouvement dans lequel elle ne se reconnaissait pas, et qui montait dans les années 70 aux Etats-Unis. C’est ce que montre l’archive en tête d’article, datée du 6 juin 1976. Elle est extraite du magazine « Bilan pour le futur », diffusé sur TF1, qui consacrait alors plusieurs enquêtes sur l'évolution de la société américaine. Ce volet traitait des minorités raciales et sociales aux Etats-Unis, des luttes menées par chacune pour leur reconnaissance et des difficultés qu'elles connaissaient. Pour la partie du reportage consacré au féminisme Jacques-Olivier Chattard était allé rencontrer la chanteuse, chez elle, dans son ranch.
Décontractée et souriante, les cheveux bruns dénoués, Loretta Lynn confiait s’être mariée très jeune, « à 17 ans j’avais déjà quatre enfants », déclarait-elle devant les caméras (à l’époque du reportage, elle en avait six et vivait toujours avec leur père qui la trompait notoirement, NDLR). La seule concession au féminisme qu'elle aurait accepté de faire à l’époque, avouait-elle, c'était celle de prendre la pilule, si elle avait existé. Elle l'admettait : « Je crois que j’aurais planifié la naissance de mes enfants ». Mais pour ce qui était du féminisme pur, son avis était bien plus tranché, puisqu’elle estimait que l’homme devait être « le maître à la maison » et que la femme devait se soumettre aux décisions de son mari, et ne prendre aucune initiative sans le consulter. L’égalité des sexes que revendiquaient alors les femmes de son pays lui paraissait absurde, déclarant que si les femmes souhaitaient l’égalité, elles devaient « partir à la guerre » comme les hommes. « Si elles se prennent pour des hommes, qu’elles se battent comme des hommes », concluait-elle, avec le sourire. Etrange contraste que le reste du reportage mettait en exergue, en entraînant les téléspectateurs dans le studio où l’artiste enregistrait son nouveau disque.
Eloge de la soumission
Dans cette seconde archive, à regarder ci-dessous, les sous-titres de la chanson qu'elle enregistrait, et le commentaire du journaliste, illustraient parfaitement le symbole de la femme traditionnelle américaine, soumise et docile, incarnée par Loretta Lynn. A travers sa musique, elle contribuait à véhiculer l'image de la dépendance sentimentale des femmes et de leur infériorité sociale. Ces clichés accentuaient le culte de la femme objet, déjà personnalisé par les pin'up blondes dans les années 50. Autant de carcans qu'une nouvelle génération de femmes américaines tentaient d'abolir.
Loretta Lynn symbole de la femme selon la tradition
1976 - 01:42 - vidéo
Une vie oscarisée
En 1976, la parution de la biographie de Loretta Lynn, Coal Miner’s Daughter, allait encore accroître sa popularité outre-Atlantique, à tel point qu'elle serait adaptée au cinéma, quatre ans plus tard, par le cinéaste Michael Apted. Son film Nashville Lady a connu le même succès que son inspiratrice et a remporté sept Oscars, dont celui de la meilleure actrice pour Sissy Spacek, qui interprétait la chanteuse à l’écran.