Aux Etats-Unis, la décision de la Cour suprême de revenir sur le droit à l'avortement, pourtant légal depuis 1973, a provoqué la consternation et la colère de nombreux Américains. Pour certains, cette montée d'un pouvoir autocratique aux Etats-Unis résonne avec un roman paru en 1985 et intitulé La servante écarlate (The Handmaid's Tale). Dans ce roman dystopique, la Canadienne Margaret Atwood décrit les États-Unis transformés en une société patriarcale et théocratique où les femmes sont privées de leurs droits, si ce n’est celui de procréer pour des familles aisées. De viols en exploitation mortelle, l'auteure dépeint une mise en esclavage progressive des femmes, institutionnalisée et codifiée.
En 2019, en plein « Trumpisme », l'écrivaine avait décidé de faire paraître la suite de ce livre qui s'était vendu à huit millions d'exemplaires et avait été adapté en série. A l'occasion de la sortie du roman Les Testaments, Léa Salamé avait reçue l'octogénaire dans le 7-9 de France Inter. C'est cette interview que nous vous proposons d'écouter dans archive audio placée en tête d'article.
Margaret Atwood expliquait, en français et en anglais, pourquoi elle avait décidé de reprendre la plume alors qu’elle avait toujours dit qu’elle ne le ferait pas. C'était clairement l’élection de Donald Trump qui l'avait convaincue. Elle se sentait concernée par la manière dont le pays retombait dans le conservatisme. Elle s'inquiétait de constater que la société de Gilead (le pays théocratique qu’elle avait imaginé dans La servante écarlate) devenait une possibilité. Dans Les Testaments, elle avait souhaité raconter l’effondrement du régime totalitaire décrit dans son premier ouvrage. Elle était convaincue que ces régimes seraient, « tôt ou tard, voués à s'effondrer, soit de l'intérieur, soit de l'extérieur ou les deux ». Une manière pour elle, et pour ses lecteurs, de garder espoir.
Un livre prophétique ?
Interrogée sur la situation aux États-Unis, la romancière estimait en effet que le pays n'était « pas encore » un régime totalitaire, mais elle affirmait aussi avoir remarqué des tendances autocratiques se dessiner. Son espoir résidait alors dans le fait qu’une partie du peuple s'insurgeait et résistait. Elle était confiante, estimant qu'il n'y aurait pas d’émergence d’un régime totalitaire aux États-Unis. Malgré tout, le roman était devenu un symbole de résistance féministe. Une situation qui l'étonnait et la réjouissait à la fois. Elle était notamment touchée par le fait que la robe écarlate portée par ses héroïnes soit devenue l'un des symboles de la lutte contre l’oppression faite aux femmes. Cette robe rouge « magnifique », parlait d'elle-même selon elle.
Dans la suite de l'entretien, Margaret Atwood donnait son sentiment ambivalent sur le mouvement #MeToo, sur son positionnement personnel face aux différentes mouvances féministes. Elle terminait en évoquant le combat de la jeunesse pour l'écologie, un autre thème d'actualité également central dans sa dystopie. C'était un combat qui l'enthousiasmait et qu'elle aurait volontiers mené si elle avait été de leur âge, précisait-elle. La question principale à résoudre restait à ses yeux celle de l'avenir de la planète, car « si on n'arrive pas à la résoudre, peu importe les droits des femmes car il n'y aura plus de femmes ».
Etes vous féministe Margaret Atwood ?
2014 - 02:00 - audio
« Si être féministe c’est dire que les femmes sont des êtres humains, oui je suis féministe. Si ce mot veut dire que les femmes sont dans anges et sont une sorte de perfection, non. Si ce mot veut dire que les femmes doivent avoir des droits. Oui ! ».
Un livre inflammable
Il y a quelques semaines, face à la montée du puritanisme et aux politiques de censures des livres (« Banned Books ») dans les bibliothèques et établissements scolaires aux États-Unis, Margaret Atwood a de nouveau fait parler d'elle en éditant une version ignifugée, résistant aux flammes, de son best-seller. Elle a même publié une vidéo dans laquelle on la voyait équipée d’un lance-flammes tentant de brûler son livre controversé. Puis, le livre ininflammable a été mis aux enchères.