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Au Gabon, l'histoire française de la dynastie Bongo

Au Gabon, l'histoire française de la dynastie Bongo

Au Gabon, alors qu'était annoncée la réélection d'Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009 à la suite de son père Omar Bongo, un groupe de militaire a pris le pouvoir et proclamé l'annulation du scrutin. L'opposition dénonçait des fraudes de la part du camp présidentiel. La famille Bongo se maintient en effet au pouvoir depuis le retrait français du pays dans les années 1960. Retour en archives sur une dynastie Bongo, pilier de ce que l'on appelait « Françafrique».

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 30.08.2023
 

L'ACTU.

Mercredi 30 août, un groupe de militaires a pris le pouvoir au Gabon seulement quelques heures après l'annonce de la victoire à la présidentielle du président sortant Ali Bongo. Son élection avait été notamment contestée par son principal concurrent, Albert Ondo Ossa. Il dénonçait des « fraudes orchestrées par le camp Bongo », famille qui se maintient au pouvoir depuis plus de 50 ans. Le président a été placé en résidence surveillée et un « président de transition » a été nommé par les putschistes : Brice Oligui Nguema.

« La France condamne le coup d’État militaire qui est en cours au Gabon », a en outre fait savoir Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement le jour même. Et d'ajouter un peu plus tard : « Nous rappelons notre attachement à des processus électoraux libres et transparents ».

Retour en archives sur la dynastie Bongo au Gabon, pilier de la « Françafrique ».

LES ARCHIVES.

17 août 1960 : le Gabon obtient son indépendance de la France qui avait progressivement colonisé le pays à partir du XIXe siècle. Léon Mba, jusque-là Premier ministre accédait au poste de président. Allié clé des Français, il favorisa leur intérêt dans un pays riche de pétrole, d'uranium ou encore de manganèse.

Illustration de cette relation de proximité, lors d'une visite à Paris en 1961, Léon Mba assurait à Charles de Gaulle : « Tout Gabonais a deux patries : le Gabon et la France. Il y a cent vingt et un ans que la France et le Gabon vivent dans l'amitié ; l'accession à l'indépendance et la souveraineté nationale n'ont rien changé à leurs relations. » Lors d'un coup d'État en 1964, la France intervenait militairement pour maintenir le Président en poste.

L'arrivée au pouvoir d'Omar Bongo, soutenu par De Gaulle

Malgré tout, celui-ci était vieillissant, tout comme sa légitimité, et il mourut en 1967. Toujours avec le soutien français (voir encadré), c'est le vice-président Albert-Bernard Bongo, renommé Omar Bongo en 1973, après sa conversion à l'Islam, qui prenait la tête du pays.

« Le nouveau président de la République gabonaise séjourne en France depuis mardi. Après avoir rencontré hier et avant-hier plusieurs membres du gouvernement, monsieur Albert-Bernard Bongo, arrivait ce matin au palais de l'Élysée accueilli par monsieur Jacques Foccart, secrétaire général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches. » Tout début janvier 1968, le tout nouveau président du Gabon, effectuait sa première visite diplomatique, évidemment, en France.

« Entre le Gabon et la France, il n'y a pas de problème et j'ai tenu à ce que ma première sortie officielle dans un État ami comme chef d'État soit la France », l'entendait-on préciser dans l'archive en tête d'article. Et de poursuivre : « À cette occasion, j'ai également remercié le général de Gaulle, ainsi que son gouvernement, pour tout ce qu'ils ont fait pour le président Léon Mba, non seulement pour l'avoir traité et surtout lors des funérailles qui ont commencé à Paris et se sont terminées au Gabon. La France occupe une place importante dans l'économie gabonaise et nous avons donc parlé de problèmes économiques dans l'ensemble. »

Par la suite, Omar Bongo fut réélu à chaque élection présidentielle et entretint ainsi des relations de proximité avec la plupart des chefs d'État français. Dont il confirmait régulièrement l’intérêt. Par exemple, en 1983, il donnait l'interview ci-dessous à TF1 et affirmait à propos de la France : « La vieille patrie qui devient maintenant un partenaire avec lequel il faut toujours continuer à composer ».

Interview d'Omar Bongo
1983 - 01:30 - vidéo

Un président autoritaire

« Partisan d'un pouvoir fort, il supporte mal les partis d'opposition qu'il va peu à peu réussir à laminer. » Président largement autoritaire, il fit face à une contestation d'ampleur de son pouvoir en 1990. Le mouvement social, violent, l’obligea à accepter finalement un peu plus de démocratie. Même si, sa première réaction fut d'ignorer la colère montante. L'archive ci-dessous, portrait d'Omar Bongo réalisé par la journaliste Maryse Burgot, rapportait ainsi ses propos : « Il dit qu'il ne se passe rien dans son pays et qu'à Libreville, tout va bien. Pourtant, tout montre que ce chef d'État et ses proches sont de plus en plus contestés malgré des efforts récents pour un peu de démocratisation ».

Ce « chef d’État africain, mais qui a toujours pensé et agit en fonction de la France », avait alors suivi les recommandations de la puissance européenne, l'encourageant « au multipartisme dans le pays, seul moyen d'apaiser les tensions sociales très vives ». Malgré tout, il fut réélu trois fois et se maintint près de 4 ans à la tête du pays.

À sa mort en 2009, la télévision française le décrivait, comme on l'entend dans l'archive ci-dessous, comme un « fin politique et homme de médiation, aussi très critiqué pour ses liens avec la France et soupçonné de corruption ». Le Gabon disait au revoir au « doyen des chefs d'État africains » et Nicolas Sarkozy, alors au pouvoir, à « un ami fidèle de la France ». Il avait su, rappelait le commentaire, « préserver les intérêts bleu-blanc-rouge ». Et ce, « parfois jusqu'au scandale comme l’affaire Elf qui avait impliqué plusieurs ministres de François Mitterrand ».

Décès du président gabonais Omar Bongo
2009 - 02:27 - vidéo

Des scrutins remportés mais contestés

L'enjeu pour le Gabon était alors le maintien de sa stabilité. Parmi les candidats au poste de président, Ali Bongo, fils du défunt. Fils qui était, avec le reste de sa fratrie selon le sujet, alors sous le coup d'une enquête en France pour des biens immobiliers financés par l'argent public gabonais.

À l'issue de l'élection, expliquait le sujet diffusé sur France 3 ci-dessous, les trois principaux candidats revendiquaient la victoire. Et notamment, Pierre Mamboundou, opposant historique d'Omar Bongo. Ali Bongo serait finalement élu, dans un scrutin contesté.

Rebelote en 2016. Ali Bongo était annoncé vainqueur d'une élection présidentielle de nouveau contestée. Le principal opposant, Jean Ping se déclarait alors également président élu. Des violences éclataient. « Des confrontations qui ont fait 7 morts depuis la proclamation des résultats » rapportait France 2. « Chaque camp accuse l'autre d'avoir triché. » Ali Bongo insistait sur le calme et « l'état de droit ». Jean Ping, lui, accusait la dynastie Bongo, d'être en réalité une dictature. La Cour constitutionnelle validait finalement la réélection d'Ali Bongo.

Crise politique au Gabon
2016 - 02:14 - vidéo

Deux ans plus tard, Ali Bongo était victime d'un accident vasculaire cérébral. L'occasion de plusieurs tentatives de prises de pouvoir en 2019, d'abord par des militaires, puis par son directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga. En vain.

Jusqu'au lendemain d'une nouvelle élection présidentielle, cet été 2023. Ali Bongo, fraichement annoncé vainqueur, a donc été déposé par une douzaine de militaires. La fin d'une dynastie ?

Jacques Foccart, le « monsieur Afrique » du gouvernement

Secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches, Jacques Foccart fut l'interlocuteur privilégié des chefs d’État africains pendant 15 ans. Discrets, mais omniprésent, on le voit sur de nombreuses archives en compagnie de présidents africains lors de leurs visites à l'Élysée. C'est lui qui apparait juste derrière Omar Bongo dans l'archive en tête d'article.

« Près de 30 ans passés dans les plus hautes sphères de l'État », aux côtés de De Gaulle. France 2 faisait son portrait en 1995, quelques mois avant sa mort et à l'occasion de la sortie de ses mémoires. L'archive est disponible ci-dessous. « Invisible », « il est partout » et « sait se fondre dans les cérémonies officielles ». Ainsi, « toute l'Afrique francophone a défilé dans son bureau. Et certains comme le guinéen Sekou Touré l'accuseront même d'être comploteur, un faiseur de coup d'État ».

Il avait ainsi rencontré Omar Bongo avant son installation au pouvoir : « Le Gabonais Léon Mba, demanda au général et, bien sûr, à Foccart de rencontrer son dauphin, pour l’apprécier, le tester ».

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