L'ACTU.
Le président français Emmanuel Macron est arrivé mercredi soir à Libreville, première étape d'une tournée africaine destinée, selon Paris, à ouvrir une nouvelle ère dans les relations franco-africaines. Il entame cette visite au Gabon, où il doit participer au sommet sur la préservation des forêts du bassin du Congo. Prônant la neutralité de la France, le chef de l'Etat français a déclaré le 2 mars que l'époque de la « Françafrique » était « révolue ».
Quatre jours avant son départ, le 27 février, le chef de l’État avait prononcé un discours sur sa nouvelle stratégie africaine pour les quatre années à venir. Il avait déjà annoncé la fin du « pré carré » français en Afrique de l’Ouest, appelant à des partenariats neufs sur le continent africain. Une coopération basée sur de « l'humilité », un partenariat « équilibré » et « responsable ». Dans un contexte de ressentiment, Emmanuel Macron a promis une diminution progressive de la présence française et une volonté de restituer les œuvres d'arts pillées par le passé et exposées dans les musées français.
Les relations franco-africaines sont régulièrement évoquées par les présidents successifs et chaque déplacement est l'occasion de définir la trame des échanges souhaités et de renforcer les liens préexistants. Les archives que nous vous proposons de revoir dans cet article résument l'évolution des points de vue successifs des différents chefs d’État.
LES ARCHIVES.
La première archive en tête d'article est un résumé du précédent discours de politique africaine d'Emmanuel Macron, son « grand oral » du 28 novembre 2017, prononcé au premier jour de sa tournée africaine, à l'université de Ougadoudou. Dans cette première prise de parole officielle sur le continent africain, le chef de l'État avait voulu enterrer définitivement les relations passées, arguant qu'il était d'une génération qui ne venait pas dire à l'Afrique ce qu'elle devait faire : « il n'y a plus de politique africaine de la France », déclarait-il devant les étudiants, avant d'ajouter « beaucoup de choses résident en vous ».
Il annonçait vouloir enterrer définitivement les relations passées de la colonisation, ou de la « Françafrique ». Il jurait alors qu'il ne donnerait plus de leçons. Il insistait sur les défis à relever pour cette future élite : le terrorisme, le changement climatique et aussi la démographie, affirmant qu'il voulait « partout en Afrique qu'une jeune fille puisse avoir le choix de ne pas être mariée à 13 ans ou 14 ans et commencer à faire des enfants ».
Un discours suivi d'un échange « sans filet » avec la jeunesse africaine, au cours duquel il avait, selon certains observateurs, eu des attitudes de professeur, distribuant bons points et bons conseils, à l'instar de cette sortie faite à une jeune fille qui lui demandait si les habitants profiteraient des nouvelles installations électriques du pays. « Mais, vous m'avez parlé comme si j'étais le président du Burkina Faso (...), comme si la France était encore une puissance coloniale. Mais, moi je ne veux pas m'occuper de l'électricité dans les universités au Burkina Faso. »
Un joyeux chahut et quelques mises au point, notamment sur les esclaves en Libye : « Qui sont les trafiquants ? Posez-vous cette question en tant que jeunesse africaine. (...) Ce sont des Africains, mon ami. Ce ne sont pas des Français qui sont en train de faire les passeurs en Libye ». Quelques centaines de mètres plus loin, des opposants manifestaient leur désaccord avec le président français.
« Françafrique » et réseaux d'influences
Le nouveau président français souhaitait moderniser les relations entre la France et l'Afrique et sortir de ce que l'on appelle encore aujourd'hui péjorativement la « Françafrique ». Ce terme est apparu dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, à une période où la présence française sur le continent africain était de plus en plus contestée, comme l'explique dans un article l'essayiste Thomas Deltombe, l’un des auteurs du livre Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (La Découverte, 2011).
Ce néologisme prête à la France une attitude néocolonialiste et désigne l'ensemble des relations, parfois ambiguës, voire opaques, entretenues entre la France et ses anciennes colonies africaines dans les domaines économique, politique et militaire. Derrière la notion de « Françafrique », il est souvent question de réseaux d'influences, de lobbies qui détourneraient des richesses à leurs profits en favorisant l'arrivée et le maintien au pouvoir de dirigeants africains et de dictateurs. C'est ce que décrivait l'économiste François-Xavier Verschave, fondateur de l'association Survie, dans son livre intitulé La Françafrique. Le plus long scandale de la République : « La logique de cette ponction est d'interdire l'initiative hors du cercle des initiés. Le système, autodégradant, se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie. Le terme évoque aussi la confusion des genres, une familiarité domestique louchant vers la privauté. »
L'archive ci-dessous de février 2007 fait un récapitulatif des rapports de la France avec l'Afrique, depuis le général de Gaulle et la mise en place à l'Élysée d'une cellule aux affaires africaines tenue par Jacques Foccart (1913-1997), en 1957, à Jacques Chirac en 2007.
Les rapports de la France avec l'Afrique, du général de Gaulle à nos jours
2007 - 03:54 - vidéo
Une présence française de plus en plus limitée ?
Cette autre archive diffusée le 28 novembre, dans le JT de 20 heures de France2, revient sur les positions précédentes en matière de politique africaine de deux prédécesseurs d'Emmanuel Macron, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Une relation tournée autour du sécuritaire et de la lutte contre le terrorisme depuis plusieurs années selon Antoine Glaser, journaliste et écrivain, spécialiste de l'Afrique : « l’armée française sert un peu de cache-misère à une présence française en déshérence sur le plan business, culture et ailleurs », déclarait-il alors.
La Françafrique
2017 - 02:18 - vidéo
« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire ». Nicolas Sarkozy à Dakar, au Sénégal. (26. juillet 2007)
« Le temps de la « Françafrique » est révolu. Il y a la France, il y a l’Afrique et il y a le partenariat entre la France et l’Afrique », François Hollande, à Dakar, au Sénégal. (12 octobre 2012)
En finir avec la « Françafrique »
Critiquée et dénoncée par les présidents successifs, la « Françafrique » n'en reste pas moins difficile à éradiquer. Ainsi, en 2008, après la promesse de Nicolas Sarkozy de mettre un terme à la « Françafrique », Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la Coopération, regrettait que ces réseaux perdurent malgré les promesses de rupture faites pendant la campagne électorale.
L'archive ci-dessous, diffusée à l'occasion de cette polémique, dans le JT de 20 heures du 16 janvier 2008, revenait sur ces réseaux privilégiés entretenus par les différents présidents français.
Appel à rompre les relations avec les réseaux anciens de la “Françafrique”
2008 - 02:50 - vidéo
Après avoir « mis les pieds dans le plat » en dénonçant la « Françafrique » et en souhaitant assainir les relations entre la France et l'Afrique, Jean-Marie Bockel avait provoqué la colère de plusieurs chefs d'État africains. Il quittait son poste et bénéficierait officiellement d'une « promotion » et devenait secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants.
Les présidents français en Afrique
Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand ou Jacques Chirac, tous les présidents français se sont déplacés en Afrique. Découvrez ci-dessous quelques reportages de ces voyages officiels.
Explorez les rouages de la « Françafrique » avec madelen
La raison d’État : Premier volet d'un documentaire de Patrick Benquet en deux parties : en 1960, les 14 colonies françaises d'Afrique subsaharienne deviennent indépendantes. De Gaulle confie à Jacques Foccart la mise en place d'un système qui vise à garder, par tous les moyens légaux et illégaux, le contrôle des anciennes colonies. Ce système va s'appeler la Françafrique.