Aller au contenu principal
L'adoption de la loi sur l'avortement : un combat porté par Simone Veil, mais pas seulement

L'adoption de la loi sur l'avortement : un combat porté par Simone Veil, mais pas seulement

Près de cinquante ans après l'adoption de la loi Veil, mercredi 28 février, le Sénat a voté en faveur de l'entrée de l'avortement dans la Constitution. Le texte doit désormais être adopté en Congrès lundi 4 mars. Cette victoire au Sénat a notamment été portée par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. En 1974, dans une société partagée à l'époque sur le sujet de l'interruption volontaire de grossesse, il avait également fallu beaucoup de ténacité à Simone Veil et plus d'un an pour faire adopter son texte par les députés, en majorité des hommes.

Par Florence Dartois - Publié le 28.06.2022 - Mis à jour le 29.02.2024
 

Le vote du Sénat ouvre la voie à un renforcement du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), près de 50 ans après le long combat, notamment incarné par Simone Veil, pour qu'il soit adopté. En effet, lorsque le débat sur l'avortement porté par Simone Veil débuta au parlement le 26 novembre 1974, il était l'aboutissement d'un long parcours entamé en 1967 avec la promulgation de la loi Neuwirth autorisant la pilule.

Dans les années 1970, les féministes et les plannings familiaux avaient aussi joué un rôle important dans la future obtention du droit à l'avortement, mais de profonds débats idéologiques avaient opposé les « anti-IVG » aux « pro-IVG ». Fer de lance de l’opposition, l'association conservatrice « Laissez-les vivre » du professeur Jérôme Lejeune. En face, la « contre-offensive » publiait par exemple dans Le Nouvel Observateur un manifeste dit des « 343 salopes » de femmes avouant s'être fait avorter, ou la parution d'une pétition de certains médecins tels Jean Rostand, Théodore Monod ou Paul Milliez appelant à plus d'humanité.

En amont du travail de Simone Veil, une femme avait préparé les consciences, l'avocate Gisèle Halimi. En 1971, elle avait fondé l'association « Choisir » qui réclamait l'abrogation de la loi de 1920 criminalisant l'avortement. L'avocate avait aussi fait bouger les lignes en défendant une jeune fille de 15 ans jugée au tribunal de Bobigny pour avoir avorté illégalement. Ce procès avait porté le débat sur la place publique. La relaxe de l'adolescente, de sa mère et de ses trois « complices » avait marqué une avancée considérable vers une future loi de légalisation de l'avortement.

En février 1973, la profession médicale affichait plus nettement son opinion favorable à une éventuelle légalisation de l’avortement. 331 médecins signaient à leur tour un manifeste dans lequel ils déclaraient avoir pratiqué des avortements. La même année, la création du MLAC (Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception), porté notamment par le Planning familial et le MLF, ajoutait à cette dynamique. Ce mouvement s'étendit à toute la France. L'opinion publique semblait désormais prête à évoluer.

Un débat tendu à l'Assemblée

C'est dans ce contexte qu'entra en lice Simone Veil. Nommée ministre de la Santé, elle était chargée de préparer le projet de loi voulu par Valéry Giscard d'Estaing, peu après son élection à la Présidence de la République. Le débat en première lecture sur un projet de loi autorisant l'IVG s'ouvrit à l'Assemblée nationale le 26 novembre 1974. À la tribune, la ministre prononça un discours historique. L'archive en tête d'article est l'un des passages les plus forts de ce discours. « Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme, je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes », disait-elle.

Le débat dura trois jours et fut particulièrement houleux. Michel Debré proposa par exemple d'affirmer le principe du respect de la vie humaine « d'accueillir, de soutenir, protéger, promouvoir la maternité ». Dans la nuit du 29 novembre 1974, l'Assemblée nationale adopta finalement le texte en première lecture avec 284 voix pour, 189 contre.

Un Sénat plus serein

Mais le projet de loi devait encore être examiné au Sénat. Une nouvelle fois, le 13 décembre 1974, la ministre de la Santé allait défendre son texte à la tribune, arguant de « l'iniquité » et « l'inefficacité » de la législation existante, et insistant sur l’existence d’une l'inégalité sociale des femmes devant une grossesse non désirée.

Simone Veil parle à la tribune du Sénat
1974 - 02:06 - vidéo

Le 20 décembre 1974, la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, votée au Sénat, était définitivement adoptée. Elle dépénalisait partiellement l'avortement dans certaines conditions. Fière de cette loi, la ministre ne souhaitait pourtant pas qu'elle porte son nom et expliquait pourquoi.

Dans l'archive ci-dessous, à l'issue des débats, Simone Veil, épuisée, mais heureuse, se confiait aux caméras. Elle revenait sur la dureté des débats parlementaires et confiait que sur le plan personnel, certains moments avaient été particulièrement difficiles. Elle soulignait néanmoins que l'adoption par les deux tiers des sénateurs après des débats d'une très grande sérénité, et d'une très grande dignité, prouvait qu'il y avait un consensus important dans le pays.

Elle ne regrettait pas d'avoir dû se battre pour défendre ce texte et affirmait être prête à le refaire s'il le fallait. Elle évoquait également les raisons pour lesquelles elle avait accepté ce poste ministériel comme une mission.

Interview de Simone Veil
1974 - 04:09 - vidéo

« Ce ne sont pas des ambitions personnelles (...) quand j'ai quelque chose à faire, j'aime que ce soit bien fait, selon ce que je pense, surtout ».

La loi avait été définitivement promulguée le 17 janvier 1975, mais seulement pour une période transitoire de cinq ans. Le sujet ci-dessous avait été diffusé le lendemain de son adoption et le jour de sa publication au Journal officiel. Il décrivait les nouvelles dispositions relatives à la loi et ce que cela changerait pour les femmes.

Signature avortement
1975 - 01:41 - vidéo

Cinq ans plus tard, c'était au tour de Monique Pelletier, la nouvelle ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine, de défendre le texte devant un hémicycle aux rangs clairsemés. Depuis la mise en application de la loi, les morts et les complications graves consécutives aux avortements clandestins avait disparu, la mise en œuvre de la loi n'avait pas donné lieu à une augmentation des avortements, mais des pratiques condamnables subsistaient encore. Elle appelait à plus de contrôles pour y mettre un terme.

Débat sur l'avortement
1979 - 03:35 - vidéo

Le 30 novembre, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi de manière définitive, mais sans inclure le remboursement de l'acte par la Sécurité sociale. Dans un 20 heures, Monique Pelletier dressait le bilan du débat qui venait de s'achever au Palais Bourbon, dans une assemblée à dominante masculine et décrivait les faiblesses du texte.

Plateau Monique Pelletier
1979 - 05:02 - vidéo

Il a fallut attendre octobre 1982 pour que le gouvernement promette de rembourser l'IVG à 70%.

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.