Des témoignages de plus en plus nombreux en provenance d’Ukraine font état de « camps spéciaux » ou de « camps de filtration » tenus par l’armée russe, par lesquels transitent les civils ukrainiens fuyant les combats.
L’un deux se trouverait à Bezimenne, une localité située à une quarantaine de kilomètres à l’est de Marioupol, en territoire séparatiste. Son nom est revenu dans plusieurs témoignages recueillis par le Guardian, la BBC et le Washington Post. Sur les images fournies par la société américaine Maxar, on peut voir une concentration d’une trentaine de tentes bleues et blanches, d’une capacité de 450 personnes, selon le Guardian.
La presse internationale rapporte que les déplacés ukrainiens doivent patienter plusieurs jours dans ces camps, et y subir des interrogatoires serrés. « Le contenu de leurs téléphones portables est vérifié, les tatouages sur le corps, censés témoigner de leur appartenance au bataillon ukrainien Azov, sont inspectés. Et personne ne peut dire avec certitude ce qu’il advient des autres », explique Le Monde. Selon certaines ONG, explique en outre Le Parisien, « ces camps seraient simplement la première étape d’un vaste plan de "déportations" massives vers la Russie. »
Si l’on ne possède pas encore assez d’informations pour savoir si des crimes de guerre sont perpétrés à l’intérieur de ces camps de filtration en Ukraine, l’existence de ce système de triage rappelle les heures sombres de la guerre de Tchétchénie, où ce système était généralisé et où d’innombrables actes de torture avait été commis.
C’est ce que rapportait ce sujet de France 2 du 14 février 2000 : « Ce que l’Occident découvre aujourd’hui des camps de filtration, eux le savent depuis longtemps. Et puisqu’aujourd’hui tout homme valide né en Tchétchénie risque de perdre la vie dans un camp russe, ils ont choisi de risquer la leur en combattant dans les montagnes du Sud. Sur les camps de filtration, les Tchétchènes, réfugiés en Ingouchie, racontent pratiquement tous la même histoire ». Tour à tour, dans la suite du reportage, des Tchétchènes relataient des témoignages terrifiants sur la réalité de ces camps. Une femme, interviewée, racontait : « là-bas on tue, on tue. Les jeunes on les amène, on ne sait pas trop où. Parfois à Mozdok [une ville d’Ossétie-du-Nord proche de la Tchétchénie], ils disparaissent. » Un homme ensuite livrait à la caméra de France 2 un autre témoignage terrifiant : « Dans les camps, ils torturent les gens à l’électricité. Quand ils reviennent, ils sont handicapés à vie, à cause des tortures. »
Toute l’horreur de la guerre de Tchétchénie ne se limitait pas à ces camps. La suite du reportage donnait la parole à d’autres Tchétchènes réfugiés, qui rapportaient des scènes insoutenables de crimes de guerre commis par les soldats russes. En conclusion de son reportage, Dorothée Olliéric expliquait à quel point ces exactions se passaient pour leurs auteurs dans la plus grande impunité : « L’armée russe a annoncé aujourd’hui que l’entrée de Grozny était désormais interdite aux civils. Il y en avait au moins 10 000 terrés dans les caves pendant les bombardements, que sont-ils devenus ? Dans le silence complice des ruines, l’armée russe poursuit ce qu’elle appelle son nettoyage, sans témoins…»