En 1964, on célébrait les vingt ans du débarquement en Normandie sur les plages du Calvados et du Cotentin. En 1944, les troupes engagées étaient majoritairement anglo-américaines, mais quelques Français, placés sous les ordres du commandant Philippe Kieffer (1899-1962), avaient également débarqué en Normandie.
À l'occasion des commémorations des 20 ans du débarquement, Léon Zitrone s'était rendu sur place pour interviewer des vétérans du commando. Entourés d'une foule compacte d'admirateurs, en uniformes, ils évoquaient leurs souvenirs, tout en rendant hommage à leurs compagnons morts pour la France. Le reportage présenté en tête d'article débute par l'interview du second du commandant Kieffer, le capitaine Alexandre Lofi (à l'époque, il était lieutenant). Il était l'un des deux seuls gradés rescapés. Au micro du célèbre journaliste, il revenait sur les premiers instants du débarquement sur les plages normandes, « exactement à 7h21, ici même à Colleville », précisant que cela avait été « plus dur que nous ne le pensions ». En effet, ses compagnons et lui-même, ne s'attendaient pas, racontait-il, à un tel accueil sous le feu nourri des balles et des tirs ennemis. Tous pensaient que l'ennemi avait été affaibli par les bombardements des heures précédentes : « Je dois dire que tous ceux qui sont là aujourd'hui, eh bien, ils ont eu de la chance », insistait-il. Il préciserait plus tard que 75% des hommes du commando avaient perdu la vie sur le sable normand.
Des Français sous les couleurs anglaises
Le commando Kieffer était composé des hommes du 1er bataillon de Fusiliers Marins Commandos (1er BFMC) créé au printemps 1942 en Grande-Bretagne par la France Libre. Il tenait son nom de son capitaine de corvette, Philippe Kieffer. Le 1er BFMC était fort de deux troupes (Troops) de combat (1 et 8) et d’une demie Troupe d’appui (K-Guns).
Le commando avait été intégré à la Special Service Brigade britannique au sein du Commando Interalliés numéro 10. Détachés au sein du commando britannique numéro 4 avant le D-Day, 177 des hommes du bataillon allaient s'illustrer en participant au Débarquement de Normandie. Leur participation est d'autant plus importante qu'ils seraient les seuls soldats de la France à débarquer sur les plages normandes. Leur bravoure avait coûté le prix de nombreuses vies, notamment celle des officiers. Lors de l'interview, le second officier rescapé soulignait d'ailleurs : « nous étions 12 officiers, le lendemain, nous n'étions plus que 2. ». Puis au nom de tous les commandos français, il remerciait l'Angleterre pour tout ce qu'elle avait fait pour libérer la France.
Léon Zitrone interrogeait ensuite d'autres membres du commando sur leurs « souvenirs les plus durs ». L'un d'eux évoquait un champ de mines responsable d'une hécatombe parmi ses frères d'armes. Le journaliste demandait ensuite aux survivants ce que cela leur faisait d'être « entrés dans l'histoire ». Le second officier était catégorique : « Si c'était à refaire, nous le referions immédiatement ! »
« Il fallait se battre coûte que coûte »
Dix ans plus tôt, en 1954, le commandant Philippe Kieffer avait personnellement témoigné de son expérience du débarquement. Dans l'archive ci-dessous, il relate les différentes étapes de la première journée de cette opération. L'officier décrivait notamment le départ d'Angleterre à bord des navires de guerre, puis la première bataille violente à Ouistreham qui dura toute la matinée, enfin la mission de Bénouville, où ils devaient « faire jonction avec les parachutistes de la 6e division aéroportée ». Viendrait plus tard Amfreville, « qui était tenue par un bataillon cycliste allemand » et qui fut leur « première nuit en terre de France ».
Sur les 177 commandos qui débarquèrent le 6 juin 1944, 10 furent tués le jour-même, puis 10 autres des jours suivants. Seuls 24 hommes terminèrent la campagne de Normandie. Ils auront combattu 78 jours alors qu'ils ne devaient initialement combattre que 3 ou 4 jours.
Témoignage du commandant Kieffer
1954 - 04:06 - vidéo
Philippe Kieffer au cinéma
La bravoure du commando Kieffer a été racontée dans un film hollywoodien réalisé par Darry Zanuck, au casting international, Le jour le plus long. À l'occasion du tournage du film, en 1961, le commandant Philippe Kieffer évoquait son personnage - son rôle était tenu par l'acteur Christian Marquant - et sa satisfaction de la reconstitution de la bataille à la baïonnette, où il avait personnellement reçu trois blessures.
Il racontait ensuite une anecdote sur un quiproquo avec la population locale. Le gradé concluait en espérant que ce film, en montrant les atrocités d'un conflit, permettrait d'éviter une nouvelle guerre à l'avenir : « Il y en a eu trois, il est temps que ça se termine. ».
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