Le 28 février 2021, la une de Libération renvoyait dos à dos Marine Le Pen et Emmanuel Macron avec ce titre : «2022 : j'ai déjà fait barrage, cette fois ça suffit...». Derrière cette une, le journal publiait des témoignages d'électeurs de gauche qui assuraient qu'en 2022, ils n'avaient plus l'intention de faire barrage au RN, si la seule offre électorale était un duel Marine Le Pen-Emmanuel Macron. Depuis avril 2002, il est devenu habituel de voter contre des idées du FN, même au prix de faire élire un candidat ne répondant pas à ses aspirations. Un consensus né en avril 2002, entre les deux tours de l'élection opposant Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen.
2002 2022
Le 28 avril 2002, en effet, d'énormes manifestations anti-FN avaient été organisées partout en France et à Paris. Un appel à boycotter le FN et à voter «utile» avait été relayé par la presse, notamment Libération et par les partis politiques de gauche.
À l'époque, l'heure était globalement à l'unité sauf pour un parti, Lutte ouvrière, mené par Arlette Laguiller. «Je n'appelle pas d'abord à voter Le Pen, surtout et je demande aux travailleurs qui l'ont fait au premier tour de ne pas le faire au deuxième. Ensuite, je n'appelle pas à voter Chirac et je demande à mes camarades, à ceux qui me font confiance, et bien de voter blanc ou nul dans cette élection», déclarait-elle.
Le reste de la gauche affichait sa détermination à faire barrage à Jean-Marie Le Pen. Bertrand Delanoë maire socialiste de Paris, confirmait qu'il appelait à voter Jacques Chirac malgré les risques d'impopularité : «Vous savez qu'il peut m'en coûter cher comme maire de Paris, mais ce n'est pas le moment de penser à ce qui coûte, c'est le moment de penser à la démocratie, à mon pays».
Même discours chez Jean-Luc Mélenchon alors membre du Parti socialiste : «Le 5 mai, il ne faut pas hésiter. Alors mettez des gants, des pinces ou ce que vous voulez mais votez, abaissez le plus bas possible Le Pen !».
«Le racisme est un affront national»
Dans le cortège de la Ligue Communiste Révolutionnaire, avec en tête Alain Krivine, les pancartes parlaient d'elles-mêmes : «Le racisme est un affront national.» Dans la foule, une manifestante brandissait fièrement la une de Libération datée du 22 avril titrée «NON» sur la photo du leader du FN.