L'ACTU.
Le samedi 23 novembre se déroule une manifestation contre les féminicides, les violences sexuelles et toutes les violences de genre à Paris. La société française a longtemps considéré que les violences faites aux femmes résultaient de la vie privée. Il a fallu attendre novembre 2017 pour qu'un président en fonction, en l’occurrence, Emmanuel Macron décrète que l’élimination des violences faites aux femmes serait la grande cause du quinquennat.
Le nombre des féminicides restent massif en 2024. Au 20 novembre, le collectif #NousToutes en dénombrait 122 depuis le début de l'année.
Les mentalités sont dures à faire évoluer, le 25 janvier 2022, interrogé sur France Inter sur le nombre toujours élevé des féminicides en France, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, de l'époque avait esquivé la question provoquant de nombreuses réactions : « Quand bien même il y aurait encore une seule femme qui mourrait des coups de son conjoint, ce n'est pas une question de 10, de 100 ou de 500. On ne va pas commencer à faire des comparaisons statistiques... »
Certains lui reprochèrent sa manière de balayer le sujet. Les violences faites aux femmes ont souvent étaient minimisées, voire moquées. Preuve en est nos nombreuses archives sur ce sujet.
Nous avons retrouvé quelques passages du magazine féminin phare des années 1970, « Aujourd’hui madame ». Dans l'un des numéros diffusés en décembre 1975, il était justement question du traitement des violences conjugales, notamment dans les commissariats. L'archive en tête de cet article traite de cette problématique en compagnie d'un commissaire de police.
L'ARCHIVE.
À l’époque, les femmes battues dénonçaient l’accueil parfois sarcastique qu’elles recevaient dans les commissariats. L’animatrice Jacqueline Vauclair précisait qu'on les recevait « avec le sourire » ou « avec un petit ton condescendant, sans être prises très au sérieux malgré la gravité des blessures ». Le commissaire Simon, présent en plateau, était appelé à réagir. Après avoir expliqué que dans son commissariat les plaignantes étaient reçues par des agents féminins, ce qui était selon la journaliste une exception, le commissaire s’inscrivait en faux, précisant : « Quand je reçois une femme (...) je l’écoute du mieux que je peux. » Cela posé, il reconnaissait tout de même qu’il existait « dans la psychologie », un tabou qui entourait la vie familiale citant un même un vieil « adage judiciaire » qui disait que : « Le droit n’a pas à s’occuper de secrets d’alcôve. »
Ainsi les violences faites aux femmes étaient présentées comme des affaires privées qui devaient le rester.
Misogynie ordinaire
Pour les femmes battues, faire la démarche de pousser la porte d’un commissariat pour porter plainte relevait donc du défi. Également présente en plateau, mais témoignant anonymement, une femme évoquait son expérience et l’accueil qu’on lui avait fait, citant quelques phrases entendues alors : « Oh, vous savez, ça va s’arranger. C’est une petite scène de ménage, tout le monde connait. Retournez chez vous. » Elle décrivait les « propos paternalistes » entendus, tels « soyez gentille » ou « ne contrariez pas votre mari ».
« Une misogynie latente » également dénoncée ce jour-là par le sociologue Max-Yves Brandily, et qui, selon lui, reflétait un autre adage bien ancré dans la société française, « Bat ta femme même si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait ».
Ce machisme était selon lui responsable de ces comportements inappropriés. Il soulignait également l’existence d’un antagonisme masculin-féminin, et suggérait que ce soient des femmes qui reçoivent les victimes de violences, « même si les hommes font bien leur travail et applique bien la loi, ce n’est pas pareil », concluait-il.
Un délit minimisé et peu puni
Dans l’extrait ci-dessous, issu du même magazine, le commissaire revenait sur le dépôt de plainte lui-même conditionné par l’obtention d’un certificat médical. Mais même avec ce dernier, l’homme violent n’était pas forcément puni. Avec moins de huit jours d’arrêt de travail, l’homme s'en sortait bien : « c’est un peu comme si vous aviez une contravention au code de la route. Là, ça sera une amende légère » déclarait le commissaire, ajoutant : « Bien que ça pourrait entraîner quelques jours de prison, il faut reconnaître que dans ce genre de violence, les jours de prison, ça n’existe pas. »
La violence faite aux femmes ne devenait un délit qu’au-delà de 9 jours d’arrêt, mais, là encore, il temporisait : « À ce moment-là, c’est un délit, donc la peine de prison pourrait être juridiquement importante, elle pourrait même atteindre plusieurs années d’après le code. » Mais il reconnaissait que l’interpellation et l’arrestation restaient rares, « sauf dans des cas très graves où des femmes ont des fractures », car alors, l’homme violent pouvait être considéré comme « un individu extrêmement dangereux » pour la société.
PV violences conjugales
1975 - 01:49 - vidéo
Un micro-trottoir édifiant : « Battez-vous votre femme ? »
Pour terminer cet état des lieux, nous vous proposons un micro-trottoir réalisé auprès d’hommes. Si la majorité réfutait battre ou avoir déjà battu leur femme, d’autres le revendiquaient, et certains considéraient cela comme normal, « une petite gifle » ne portant pas à conséquence à leurs yeux.
La même question été reposée en novembre 2020 par nos journalistes à des quidams dans la rue. Voici leurs réponses.