Conférence de presse du Général de Gaulle du 31 janvier 1964
Conférence de presse du Général de Gaulle à l'Elysée du 31 janvier 1964. Le Général répond aux différentes questions des journalistes et aborde les thèmes suivants : - Les institutions de la Ve République et la constitution : "Il y a aussi, ai-je dit, des institutions ou, si vous voulez, la répartition des pouvoirs. A cet égard, la constitution a été observée comme elle est. Les rôles respectifs qu'elle attribue restent au président, qui est garant du destin de la France et de celui de la République, et qui est par conséquent chargé de lourds devoirs et disposant de pouvoirs étendus, au gouvernement, siégeant auprès du chef de l'Etat qui l'a nommé, siégeant donc autour du chef de l'Etat pour la détermination et la mise en oeuvre de la politique, gouvernement dirigeant aussi l'administration, rôles respectifs attribués au parlement, qui doit exercer le pouvoir législatif et contrôler l'action du ministère." "Hé bien l'épreuve des hommes et des circonstances a montré que l'instrument répond à son objet, non pas seulement dans les moments de relative tranquillité, mais aussi dans les moments difficiles, et sur ce dernier point on a pu constater que la constitution offre les moyens d'y faire face. (...) Par conséquent, il me semble qu'il y a depuis 5 ans une réussite constitutionnelle, et j'en attribue pour ma part la raison essentiellement à ceci, que nos institutions répondent à l'exigence de notre époque, qu'elles répondent aussi à la nature du peuple français et à ce qu'il souhaite réellement." - La coopération avec des pays en voie de développement comme l'Amérique latine : "Il est bien vrai que le développement des pays du monde et en particulier de ceux qui jusqu'à présent n'ont fait qu'entamer ce grand mouvement, c'est la question mondiale par excellence." "La France, bien entendu, joue un rôle considérable dans cette vaste évolution, en raison tout d'abord des positions que sa politique, son économie, sa culture, sa force lui avait fait acquérir dans les cinq parties du monde. Et puis surtout à cause de son génie, du caractère de son génie, qui fait d'elle de tous temps un champion et un ferment de la libération humaine." "Naturellement tant que la colonisation était la seule voix par laquelle il était possible de pénétrer des peuples repliés dans leur sommeil, nous fûmes des colonisateurs et quelque fois impérieux et rudes. Mais au total, le bilan de ce que nous avons donné aux autres est largement positif pour toutes les nations où nous l'avons fait." "Bien sûr c'est aux peuples qui sont partis de notre administration pour former des états souverains et qui ont obtenu leur indépendance d'accord avec nous et en outre de telle sorte que malgré tous les déchirements et en définitive, il en sortit dans l'amitié entre eux et nous une sincère coopération, c'est à ces peuples-là que nous prêtons principalement notre aide pour le moment." "Mais si ces peuples, en commun avec le nôtre, bâtissent une oeuvre en commun avec tous les hommes, alors indépendamment de l'avantage qu'ils en retireront eux, notre propre rayonnement et nos moyens d'action ne manqueront pas d'être étendus, et c'est par là que la coopération a des buts très élevés et des motifs très forts, et c'est par là qu'elle dépasse le cadre africain. Par cette voie la France peut se porter vers d'autres peuples, qui dans d'autres continents accomplissent leur développement et sont plus ou moins avancés à cet égard. A des peuples qui nous attirent d'instinct et de nature, à des peuples qui, pour leur propre effort, peuvent souhaiter trouver un concours qui soit, suivant notre esprit et à notre manière, et qui voudraient par conséquent nous associer à leur progrès, et inversement, réciproquement, prendre leur part de tout ce qui est de la France." "Oui, la coopération, c'est désormais une grande ambition de la France." - L'organisation européenne et les perspectives du marché commun : "Ce qu'il y a de capital à mon avis dans l'adoption des règlements agricoles par les six c'est que l'Europe économique semble avoir choisi d'exister." "Mais ensuite, pour aboutir, la décision malgré tous les intérêts contradictoires, ne pouvait venir que des Etats. C'est en effet ce qui est arrivé. La commission de Bruxelles ayant fourni objectivement des travaux d'une grande valeur et offrant aux négociateurs, à mesure de leurs discussions, des suggestions bien étudiées, les gouvernements n'en ont pas moins été obligés de trancher et de prendre leurs responsabilités. A partir de là, c'est à eux, bien sûr, qu'il incombe de faire exécuter par leurs pays respectifs les engagements qui ont été pris en commun. Pour franchir les fossés qui les séparaient, les six ont eut de grandes difficultés. Les obstacles étaient de taille. Je crois bien qu'ils ne les auraient pas franchis si l'idée et l'intérêt d'une Europe unie, en commençant par l'économie, n'avaient pas eu une force et un attrait puissant". "Puis surtout, il faut maintenant que les six vivent en commun, c'est-à-dire qu'ils combattent à l'intérieur de leur ensemble les forces centrifuges qui ne manqueront pas de se manifester et au-dehors les pressions qui se feront certainement sentir. Pour les rompre, on peut se demander comment ils feront. S'ils ne s'entendent pas d'une manière régulière, en particulier à l'échelon de leurs responsables suprêmes, les chefs d'état et de gouvernement, bref on ne voit pas comment la communauté économique pourrait vivre et a fortiori se développer sans une coopération politique." - La Chine : "Du fait que depuis 15 ans la Chine presque tout entière se trouve rassemblée sous un gouvernement qui lui applique sa loi et qu'elle se manifeste au-dehors comme une puissance manifeste et souveraine, la France était disposée en principe, et depuis des années, à nouer des relations régulières avec Pékin. D'ailleurs, certains échanges économiques et culturels étaient déjà pratiqués..." "Mais le poids de l'évidence et de la raison pesant chaque jour d'avantage, la République française a décidé de placer ses rapports avec la République populaire de Chine sur un plan normal, autrement dit diplomatique. Nous avons rencontré à Pékin une intention identique, et on sait qu'à ce sujet le président Edgar Faure, prié d'effectuer sur place des sondages officieux, a rapporté des indications positives. C'est alors que les deux gouvernements se sont accordés pour accomplir le nécessaire." "En vérité, il est clair que la France doit pouvoir entendre directement la Chine et aussi s'en faire écouter. Et puis pourquoi ne pas évoquer, qui sait, ce qui pourra y avoir de fécond dans les rapports entre les deux peuples, à la faveur des relations entre les deux Etats." Le général remercie les journalistes, se lève et prend congé.
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Radiodiffusion Télévision Française |
Générique | Participant : Charles de Gaulle |