Le président français Emmanuel Macron s'est félicité dimanche 8 décembre 2024 que « l'État de barbarie » soit « tombé » en Syrie avec la chute du président Bachar el-Assad. « L'État de barbarie est tombé. Enfin », a salué le chef de l'État sur le réseau social X, rendant « hommage au peuple syrien, à son courage, à sa patience ».
Cette formule, « l'État de barbarie », est directement une référence au livre Syrie, État de barbarie du sociologue Michel Seurat, mort en captivité au Liban en 1986 après son enlèvement par un groupe affilié au Hezbollah, parti qui a défendu le régime d'Assad jusqu'au bout.
Mort en captivité
Fonctionnaire français, détaché par le ministère des Affaires étrangères comme chercheur du CNRS à Beyrouth, Michel Seurat avait été enlevé à Beyrouth le 22 mai 1985 avec le journaliste Jean-Paul Kauffmann. Rapidement, il tombait malade sans que l'on connaisse précisément la maladie qui l'a emporté en captivité. Nul ne sait non plus à quel moment exact, il est mort. Une date a toutefois été retenue, le 5 mars 1986, au lendemain d'une revendication de ses preneurs d'otage. Il avait 37 ans.
Michel Seurat fut l’un des meilleurs spécialistes du monde arabe contemporain. Il désigna par la formule « État de barbarie » son analyse du système du pouvoir syrien, dès la prise de contrôle du pays par Hafez el-Assad. En 1988, le livre Syrie, État de barbarie était publié, issu des diverses contributions à des ouvrages collectifs, à la revue Esprit ou au Monde diplomatique.
En 1989, sa femme Marie Seurat était l'invitée d'« Apostrophes » pour la sortie du livre coordonné et préfacé par Gilles Kepel et Olivier Mongin. Comme on le voit dans les deux archives proposées dans cet article, elle avait un discours entier, sur son mari évidemment, mais aussi sur la Syrie. Elle disculpait les Syriens d'avoir assassiné Michel Seurat, les considérant beaucoup plus « machiavéliques » encore. « Les Syriens auraient préféré le faire sortir pour négocier » des armes ou d'autres bien, « ils sont beaucoup plus fins ». Pleine de sous-entendus, mais avec un regard entendu, elle affirmait ensuite que la Syrie faisait les affaires des États-Unis dans le monde arabe...
Pesanteur
Il régnait en Syrie, pour elle et son mari, une trop lourde pesanteur, où il était « impossible de respirer ». « On ne peut pas parler, la vie quotidienne est difficile », expliquait-elle pour justifier leur installation à Beyrouth. Là, le chercheur et militant à la fois - il sera soupçonné d'être un agent du renseignement français - se savait menacé par ses idées et ses écrits, mais il avait tenu à rester. « Je savais que cela allait arriver [l'enlèvement] », expliquait Marie Seurat à Bernard Pivot et la romancière Geneviève Dormann. « Je savais que ça finirait comme ça », disait-elle.
L'état de barbarie de Michel Seurat
1989 - 01:24 - vidéo
Ce n'est qu'en 2006 que le corps de Michel Seurat sera retrouvé et identifié. Des restes avaient en effet été découverts dans un chantier de construction. Quelques semaines après cette identification, une cérémonie officielle avait eu lieu à Beyrouth lors du départ du corps vers la France, tandis que le premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, était présent à l'arrivée à Orly. « Cela met un point final à une histoire interminable et cauchemardesque », avait déclaré Marie Seurat.