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Porno : en 1977, l'actrice Claudine Beccarie se battait pour le respect de son image

Porno : en 1977, l'actrice Claudine Beccarie se battait pour le respect de son image

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a présenté le 27 septembre 2023 son rapport sur la pornographie. Il dénonce des délits criminels présents dans la quasi-totalité des vidéos disponibles en ligne. Un constat glaçant. Les paroles d'actrices X sont rares dans nos archives, et peu dénoncent cette violence. 

Par la rédaction de l'INA - Publié le 28.09.2023
 

L'ACTU.

Le 27 septembre 2023, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a rendu son rapport sur la pornographie. Ses conclusions sont sans appel. Il dénonce des délits criminels présents dans la quasi-totalité des vidéos en ligne. Selon les conclusions remises à la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, 90% des vidéos disponibles sur les sites relèvent de la « porno-criminalité ». Les femmes y sont victimes de violences verbales, physiques, sexuelles, pouvant aller jusqu'à des actes de barbarie ou des viols.

Il y a un an, fin septembre 2022, le Sénat dénonçait lui aussi dans un rapport l'envers du porno avec des violences systématiques. À l'époque, une enquête tentaculaire lancée en 2020 aboutissait à la mise en examen de 12 personnes. La justice les soupçonnait de viols collectifs durant les tournages faisant au moins 33 victimes. L'équipe de « Complément d'enquête » avait retrouvé des jeunes femmes victimes de viols acceptant de témoigner anonymement. Le sujet ci-dessous du 19-20 de France 3 revenait sur cette actualité avec des images et témoignages glaçants.

Alors que les mineurs sont de plus en plus nombreux à découvrir la sexualité sur ces sites, Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du HCE a lancé une alerte sur l'antenne de France inter : « C’est la fabrique de futurs violeurs, de futurs auteurs de féminicide ». Cet avertissement, Ovidie le lançait déjà publiquement en 2018. Dans « Complément d'enquête », cette ancienne actrice porno, réalisatrice spécialisée dans les documentaires sur les questions du corps et de la sexualité, auteure du livre A un clic du pire : la protection des mineurs à l'épreuve d'internet (éditions Anne Carrière), évoquait la consommation du porno par les mineurs par le biais de leurs smartphones. Elle demandait le blocage de sites internet ne respectant pas la réglementation et l'amélioration des systèmes de filtrage. Elle s'exprimait sur l'impact du porno sur les pratiques sexuelles des mineurs. Un témoignage à visionner ci-dessous.

L'ARCHIVE.

Ce type d’alerte est assez rare dans nos archives, en particulier dans les années 70-80, où le porno était florissant dans les cinémas pornos ou, plus tard, à travers la vente de K7 vidéos. C'est dans « Aujourd'hui magazine » du 11 octobre 1977 consacré aux 7 péchés capitaux que nous avons retrouvé l'un des premiers témoignages d'une active porno qui évoquait, non pas les violences qu'elle avait pu rencontrer, mais la manipulation des images.

Dans ce témoignage rare présenté en tête d'article, Claudine Beccarie qui vivait à présent dans une fermette de la Sarthe et rêvait de devenir nourrice agrée, regrettait d'être devenue malgré elle une « reine du porno », terme qu'elle réfutait bien qu'elle ait tourné deux films au titre évocateur : Exhibition et Les jouisseuses

Claudine Beccarie, qui témoignait à visage découvert, était passée des tournages coquins au porno malgré elle. Elle affirmait avoir été exploitée : « Lorsqu’on a fait la publicité d’« Exhibition », on ne m’a pas demandé mon avis. »

Cette actrice qui s’avouait « catholique » avait été prise dans ce qu’elle appelait un « engrenage » et confiait : « De l’érotisme, il fallait continuer par le porno, sinon, on arrêtait de travailler ». Elle insistait surtout sur le fait d'avoir été manipulée à son insu à cause de la pratique des « additifs », une technique consistant à ajouter des plans pornos sur des scènes seulement dénudées. Elle expliquait que les actrices en titre étaient souvent « doublées » pour les scènes les plus crues, leur image étant remplacée par celle des doublures dans le montage final. La jeune femme expliquait s'être ainsi retrouvée contre son gré dans un film porno alors qu'elle pensait tourner un simple film érotique. Elle avait même entamé une grève de la faim pour que cesse cette pratique qui avait « sali son image ».

La jeune femme laissait ainsi persister le doute sur son implication réelle dans ces tournages, qu'elle avouait ne pas aimer. En conclusion, elle déclarait toujours « rester professionnelle » et respecter les gens avec qui elle travaillait : « Ce qui n’a pas toujours été le cas en retour », concluait-elle.

Le Front anti-porno

Nous avons retrouvé une autre référence à l'exploitation des femmes dans le porno dans une autre archive datée de 1986. Il s'agit d'un sujet diffusé sur FR3 Rennes. À l'époque, le Front anti-porno (FRAP) se battait contre l'utilisation commerciale et dégradante du corps de la femme. Il s'était illustré par différentes actions : affiches publicitaires lacérées, bombages de devantures de sex-shops ou destruction d'affiches de films. Cette fois, les membres du FRAP avaient choisi la Bretagne, le marché des Lices à Rennes, pour lancer leur croisade. Tracts à l’appui, leur credo se résumait par cette phrase : « La pornographie sous toutes ses formes est une atteinte aux droits de la femme et à la moralité ».

L’atteinte à la dignité de la femme et l'incitation à la violence sexuelle faisaient bien partie des dérives dénoncées par ce collectif mixte. Il était appuyé par des associations catholiques et un « mystérieux front progressiste français », précisait le commentateur. L’action du FRAP se voulait plus globale comme le résumait le journaliste : « combattre une société matérialiste et restaurer des vraies valeurs ».

Un badaud qualifiait ce combat « d’arrière-garde et ridicule », un autre se positionnant contre l’étalage de « la vulgarité que ce soit sur des écrans ou des affiches ». Un homme trouvait ce combat « ridicule », n’en voyant pas l’intérêt, s’avouant « pour la pornographie ». Ces avis contrastés ne semblaient pas décourager un membre du FRAP, qui, tract à la main, réaffirmait sa révolte et son désir que « le monde change et soit un peu plus sain ».

La conclusion du présentateur du journal montrait que ce sujet était alors perçu et traité avec légèreté : « Oui, autant prendre cela avec un petit peu de sourire, tant que n’existe pas un front contre l’humour ».

Manifestation du front anti porno
1986 - 02:54 - vidéo

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