Le 28 septembre, le Sénat a publié un rapport sur les pratiques de l’industrie pornographique, avec un axe majeur : la protection des enfants et adolescents de la pornographie sur internet. Plus de deux millions de mineurs regardent chaque mois de la pornographie. Pourtant, depuis le vote de la loi sur les violences conjugales en juillet 2020, les Français de moins de 18 ans sont censés être refoulés à l'entrée de ces plateformes.
L'idée de protéger les enfants des images pornographiques est ancienne, et à chaque nouveau support arrive une nouvelle polémique. Avant l’essor d’Internet, les adolescents avaient déjà accès à des images pornographiques, d’abord par les revues, les cassettes vidéo ou plus tard par le minitel. Dans les années 1980, il était question des revues pornographiques qui affichaient leurs couvertures aguichantes sur tous les kiosques à journaux. Les magazines s'achetaient facilement. L'archive présentée en tête d'article date de 1987, une année où l'on se demandait si les revues pornographiques pouvaient pervertir les enfants malgré la censure qui existait alors.
En effet, depuis 1949, une Commission de surveillance et contrôle des publications destinées à la jeunesse veillait à la moralité des contenus publiés dans les revues, les magazines, et même les BD. Cette commission pouvait interdire la publication, voire la revue impliquée. Elle venait d'ailleurs de le faire pour quelques revues grand public à cause de leur caractère « licencieux ou pornographique ». Cette interdiction relançait la polémique et interrogeait sur l'efficacité de la censure. D'ailleurs les kiosquiers avouaient que leur ventes augmentaient à chaque nouveau scandale, « de plus de 30%, c'est le réflexe du fruit défendu », ironisait le commentaire. A Reims, Claude Pouphile, une directrice de collège privé et représentante de cette commission, traquait « les obscénités » au fil des pages des publications qu'elle épluchait. Elle estimait qu'« à partir du moment où une certaine revue donne dans la perversité profonde, elle n’a pas besoin d’être lue par des enfants ou des jeunes de moins de 18 ans ». Dans un micro-trottoir savoureux, parmi les jeunes et les adultes interrogés, les avis étaient partagés.
Un contrôle difficile
Dans le collimateur, également, à cette époque, il y avait évidemment les vidéos X ou K7 porno, notamment celles louées dans les vidéoclubs, où 15% du catalogue était lié à la pornographie et 30% à la violence. En 1985, date de l'archive ci-dessous, seule la pornographie était interdite aux moins de 18 ans, mais il était visiblement très facile de contourner la règle. Ce reportage de France 3 Rhône-Alpes menait l'enquête dans un vidéoclub.
La famille et les films porno
1985 - 03:01 - vidéo
En 1988, un nouveau scandale éclatait. Avec le développement du minitel - il y en avait 4 millions en service - étaient apparus les sites de messageries roses. Simples d’accès, il n’existait aucun moyen de les interdire. Leurs affiches suggestives fleurissaient en nombre sur les panneaux publicitaires et choquaient la société. Les fameux « 3615 » suivi d’un prénom aguicheur et d’une photo suggestive étaient rentrés dans le champ visuel des adultes mais aussi des plus jeunes. Ce reportage alertait sur l'importance de protéger « les proies les plus fragiles, les jeunes adolescents faciles à racoler ».
Oui mais voilà, les messageries roses, en plein essor, rapportaient 25 milliards de francs par an. Souvent propriétés de grands groupes de presse, elles soutenaient indirectement le « développement de la télématique ». Alors quelles solutions ? Interrogé sur la question, le maire de Dourdan, Yves Tavernier, proposait de limiter leur usage à des abonnés et de nuit de préférence et d'interdire la publicité. « Il n’est pas acceptable que le téléphone pornographique s’affiche sur les murs de toutes nos villes », déplorait-il.
Minitel rose : publicités anarchiques sur les murs des villes
1988 - 02:43 - vidéo
En 2022, il est toujours question de modèle économique et d'argent. Les réticences des plateformes face à la régulation proviennent justement de leur modèle économique basé sur les recettes publicitaires. En bloquant l'entrée de certains publics par des contrôles plus lourds, ou en décourageant d'autres, leurs revenus risqueraient selon eux de s'effondrer.