Vous souvenez-vous d'Odette Joyeux ? Elle fut l'une des plus célèbres comédiennes des années 30-40. Elle abandonne le cinéma dans les années 50 pour se consacrer à la littérature. En 1954, devenue auteure à succès, elle publie un roman intitulé "La mariée est trop belle". L'ouvrage obtient le prix Courteline la même année. En 1956, sortira la suite "La mariée ingénue". Sous l'impulsion de Brigitte Bardot, alors jeune égérie du cinéma français, l'œuvre est adaptée pour le cinéma sous le titre : "La mariée est trop belle".
Derrière ce film se cache une histoire étonnante, que racontent ici l'écrivaine et l'actrice, réunies pour une dédicace dans une librairie du faubourg Saint-Honoré. Nous sommes le 21 février 1957, à l'occasion de la sortie du film, la journaliste Micheline Sandrel demande des précisions aux deux artistes sur leur travail commun dans l’adaptation de La mariée est trop belle. Une collaboration qui a tout de la "Synchonicité" si chère à Carl Gustav Jung. L'écrivaine raconte en effet que bien avant de rencontrer Brigitte Bardot, c'est son visage qui avait inspiré son personnage de Chouchou : "Brigitte qui n'était alors que covergirl avait posé pour la couverture de Elle. Et j'avais trouvé cette photographie extrêmement jolie. Et quand j'écrivais La mariée est trop belle, malgré moi, inconsciemment, je lui donnais le visage de Brigitte."
Deux femmes prédestinées à se rencontrer... (Photo issue du reportage)
"Ce que je l'aime Chouchou […] J'avais l'impression que ça avait été fait pour moi"
Mais la synchronicité ne s'arrête pas là. La jeune comédienne confie à son tour qu'elle avait tout de suite rêvé de porter le roman à l'écran :"Depuis que le livre est sorti, c'était il y a deux ans, je l'avais lu et j'avais très envie de tourner le rôle de Chouchou. Mais à l'époque, je n'étais pas assez connue pour dire : je veux faire ce film."
Brigitte Bardot, enthousiaste, avoue même s'être tout de suite glissée dans la peau du personnage : "Oh oui alors ! Ce que je l'aime Chouchou […] J'avais l'impression que ça avait été fait pour moi. Même en le lisant, il y a deux ans, j'avais trouvé ça très joli. Très, mignon." Une histoire incroyable puisque deux ans plus tard, devenue célèbre, elle avait enfin pu concrétiser ce projet fou : "Oui, c'est une sorte de miracle. C'est merveilleux. Je suis très contente d'avoir pu le faire..."
Devant la caméra, auteure et actrice semblent partager une réelle complicité. Odette Joyeux confie : "On s'entend très bien. On est très contente l'une de l'autre !". Elle raconte ensuite avoir participé à l'écriture des dialogues et à l'adaptation du film, mais sans avoir le droit de venir sur le plateau : "Ah ça, jamais ! Je n'avais pas le droit. Mais c'est resté très amical. J'ai préféré voir le film entièrement terminé."
A la fin de l'interview, Odette Joyeux finit par accepter de lire quelques lignes de son roman sous forme de conclusion : "Nous sommes restés un bon moment bien installés dans le silence et comme la conversation, le gâteau s'est éteint." Le reportage s'achève en musique sur des images des nombreux fans venus réclamer une dédicace et un autographe des deux amies réunies par la plume et le destin.
Tournage de l'émission "Le comédien et l'homme", 1951 (Crédit : photothèque ina)
Mini bio :
Odette Joyeux est née le 5 décembre 1914 et morte le 26 août 2000. Elle fut danseuse, comédienne et romancière. Après avoir étudié la danse à l'école du Ballet de l'Opéra de Paris, elle débute une carrière au cinéma en 1930 et, parallèlement, au théâtre avec Louis Jouvet, dans "Intermezzo" en 1933. Mariée à l'acteur Pierre Brasseur en 1935, c'est la mère de Claude Brasseur. Elle épouse en secondes noces Philippe Agostini en 1958. Elle va s'éloigner du cinéma pour se consacrer à la littérature. Auteure de plusieurs romans, de pièces de théâtre et d'essais, en 1994, elle écrit ses mémoires. Odette Joyeux est morte d'une attaque cérébrale le 26 août 2000. Elle est enterrée au cimetière de Grimaud (Var) aux côtés de son mari Philippe Agostini.
Pour aller plus loin :
Bouquet de joie : Odette Joyeux, interviewée par Henry Spade, présente ses deux romans : La mariée est trop belle et la suite La mariée ingénue. Elle évoque le projet de film avec Brigitte Bardot : "c'est le personnage idéal". (19 novembre 1956)
Les échos du cinéma : Odette Joyeux revient sur ses débuts, dans le corps de ballet de l'opéra, puis dans le théâtre, et le cinéma et enfin l'écriture. (1er janvier 1961)
Au cinéma ce soir : à propos de son premier grand rôle Entrée des artistes d'Henri Jeanson. (19 novembre 1970)
1990, Odette Joyeux à propos de la vocation de comédien de son fils Claude Brasseur. (Matin bonheur, 1990)
Florence Dartois