L’été n’a pas encore débuté mais le thermomètre s’affole déjà sur l’ensemble de l’hexagone. Du jamais vu à cette période, notamment en Bretagne. Vendredi, les 30 °C sont annoncés en Côtes-d’Armor, dans le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine. On attend même un record à Nantes avec des valeurs de l’ordre de 40 degrés. La ville a déjà connu un tel épisode caniculaire, c'était en 1990. A l’époque, le phénomène était exceptionnel et la vie des Bretons avaient été désorganisée. Ce pic de chaleur était tellement rarissime que le journal régional de France 3 lui avait consacré un long reportage montrant les rues quasi vides de Nantes, où l’on venait de dépasser les 37,4°C à l’ombre.
Sur une musique mélancolique, le journaliste décrivait l’ambiance plutôt singulière dans la ville écrasée de soleil, bien différente de celle des villes du Sud. Car les Bretons, c’était évident, n’étaient pas acclimatés à de telles températures. Les Nantais courageux « traquaient la fraîcheur dans les jardins publics, près des fontaines ». Réfugiés dans les parcs, ils se reposaient sur les pelouses ombragées ou sur les bancs protégés par les arbres.
Loin de la côte, la canicule se faisait lourdement sentir, « la démarche pesante et les tenues vestimentaires raccourcies », les citadins nantais les plus hardis se laissaient surprendre en flagrant délit de sieste, de pique-niques arrosés ou de baignades improvisées dans les fontaines. Mais dans les cafés du centre, c’était le désert. Un cafetier se plaignait d’ailleurs de ne pas faire de bonnes affaires, car sur les terrasses, il faisait vraiment trop chaud. Sous un soleil de plomb « la cité des ducs » semblait effectivement désertée : les Nantais assommés restaient cloîtrés chez eux.
Heureusement, on annonçait déjà une baisse de la température et le retour de la fraîcheur, de quoi réjouir le commentateur qui concluait avec espérance : « On devrait échanger, si tout va bien, l’enfer des tropiques contre la lumière d’août ».
Prémices d’un réchauffement climatique ?
Cette canicule avait traumatisé les Bretons et la semaine suivante, le journal régional dressait un bilan catastrophique de ces quelques jours de fournaise. Dans le reportage proposé ci-dessous, le journaliste évoquait d’ailleurs un « bouleversement de la carte climatologique », puisqu'on avait atteint les 34,8°C à Brest, 37,8°C à Rennes, et dans les terres, 38,5°C au Mans. Le commentaire précisait néanmoins qu’il ne s’agissait pas d’un record, car le 18 juillet 1904, les températures étaient montées à 40,6°C à Rennes.
Le commentaire soulignait que du côté des travailleurs, il avait fallu s’adapter à cette canicule et que la chaleur avait désorganisé l'activité économique. Des images montraient d’ailleurs les chantiers navals en pleine activité. A l’arsenal de Brest, par exemple, les ouvriers avaient avancé leurs horaires à 6 heures de matin et avaient été dans l’obligation de « ralentir leurs travaux sur le porte-avion nucléaire Charles de Gaulle » qui était alors en construction.
Dans son commentaire, le journaliste soulignait les risques que ferait courir un réchauffement sur la société. Il évoquait notamment les victimes collatérales de la canicule. Dans les élevages industriels, des dizaines de milliers de volailles avaient succombé à la chaleur dans les hangars brûlants des Côte d’Armor. Le reportage montrait l’intervention des sapeurs-pompiers venus en renfort pour arroser les bâtiments en tôles ondulées inadaptés à de telles chaleurs.
Le journaliste pressentait-il que cette canicule bretonne n’était que l'avant-goût d’un dérèglement plus important à venir ? Il soulignait en tout cas l'inadaptation des infrastructures économiques et industrielles à l'élévation des températures et, de fait, posait deux questions qui sont à présent au cœur des réflexions. Celle de la fragilité d'un « système de production conçu pour un climat tempéré », qui devrait être prise en compte en cas de réchauffement. Il évoquait aussi la question cruciale de l’eau, précisant que le risque de pénurie menaçait. A l’époque déjà, les préfets d’Ille-et-Vilaine et de Mayenne avaient pris des arrêtés de restrictions préventifs pour préserver les réserves d’eau, interdisant « l’arrosage des pelouses et des jardins dans leurs départements ». En somme, un reporter assez prophétique, dont le reportage est plus que jamais d'actualité aujourd'hui.
Bilan de la canicule de la semaine passée
1990 - 01:32 - vidéo