L'ACTU.
« Le président a demandé au peuple de l'aider à surmonter la crise. La formation rapide d'un gouvernement intérimaire est nécessaire pour surmonter la crise. » La présidence bangladaise a annoncé mercredi 7 août que le Prix Nobel de la paix Muhammad Yunus allait diriger un gouvernement intérimaire après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre démissionnaire Sheikh Hasina.
Pour sa part, Muhammad Yunus, inventeur du microcrédit et Prix Nobel de la paix 2006, a déclaré mardi 6 août qu'il était prêt à prendre la tête d'un gouvernement par intérim : « J'ai toujours mis la politique à distance (...) Mais aujourd'hui, s'il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, et pour le courage de mon peuple alors, je le ferai », a-t-il déclaré à l'AFP. Appel entendu et accepté par le président bangladais Shahabuddin.
La crise a débuté le lundi 5 août après que le chef de l'armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, ait annoncé sa volonté de former un « gouvernement intérimaire ». La population est alors descendue dans la rue pour contester cette décision. L'armée et la police ont très violemment réprimé les émeutes. Un décompte AFP fait état de 432 morts. Après ce lundi d'émeutes, le président a accepté de dissoudre le Parlement, ce que réclamaient les étudiants protestataires et le principal parti d'opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui exige des élections d'ici à trois mois.
Sous la pression, la Première ministre Sheikh Hasina, 76 ans, a été contrainte de s'enfuir en hélicoptère vers l'Inde. Les Britanniques ont demandé à l'ONU de mener une enquête sur « la violence sans précédent » des répressions, alors que la police a finalement demandé « pardon » au peuple après le limogeage de son directeur.
L'ARCHIVE.
Muhammad Yunus, âgé de 84 ans, apparait comme un espoir d'apaisement. Économiste et entrepreneur, il est célèbre pour avoir aidé des millions de personnes à sortir de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance fondée en 1976. L'invention d'un système de microcrédit lui a valu le surnom de « banquier des pauvres » et lui a apporté une reconnaissance mondiale avec la réception du prix Nobel de la paix en 2006.
Deux ans plus tard, en mars 2008, de passage à Paris pour la sortie d'un nouveau livre, il était l'invité de Catherine Matausch sur le plateau du 12-13 de F3. Ensemble, ils évoquaient l’intérêt du microcrédit. Une archive disponible en tête d’article.
« Professeur Yunus, il y a donc trente ans, vous démarrez ce combat contre la pauvreté dans un village du Bangladesh. Trente ans plus tard, le microcrédit triomphe notamment aux États-Unis et en France. On peut donc sortir de la pauvreté ? Ce n'est pas une idée utopiste ? »
Cette objection, il l'avait entendue à de multiples reprises et la réfutait une nouvelle fois sur le plateau du JT. L'occasion par Muhammad Yunus d'évoquer le dynamisme des pays qu'on qualifie, à tort, selon lui de « tiers-monde », et de louer la créativité et l'esprit d'entreprise des populations démunies. « Tout ce qu'il faut, déclarait-il, c'est un petit peu de capital de départ, une petite somme pour commencer, pour pouvoir produire eux-mêmes des ressources économiques. Plein de gens dans le tiers-monde traînent sans emploi, sans travail, tout bonnement parce qu'il n'y a pas d'activité économique suffisante. Donc ce qu'il faut faire, expliquait-il, c'est lancer la machine, en donnant un peu d'argent pour créer soi-même son travail, faire une contribution à l'économie et changer sa propre vie. C'est ce qui se passe au Bangladesh et ailleurs. »
La métaphore du bonsaï
Dans son livre qui venait de paraître chez JC Lattès, Vers un nouveau capitalisme, il comparait les gens à des « bonsaïs » — la journaliste lui demandait d'expliquer ce concept étonnant. Comme ces arbres miniatures dont on contraignait la croissance, mais qui conservaient toutes leurs caractéristiques et qualités, les pauvres vivaient selon lui dans un univers étriqué dont il fallait tenir compte. Un univers restreint qui ne devait pas les empêcher d'entreprendre.
Il insistait sur le fait que les pauvres étaient « des êtres humains normaux, aussi bons que les autres, et ajoutait : ils peuvent, ils ont la même capacité d'entreprendre, mais c'est juste la société qui ne leur donne pas l'espace nécessaire à leur croissance. Si on leur avait donné la capacité de croître, les moyens de croître, eh bien, ils seraient aussi grands que les autres. C'est donc un excellent exemple de ce que veut dire la pauvreté réellement. »
Le microcrédit comme rempart à la guerre
À tous ceux qui s'étonnaient qu'il ait été couronné d'un prix Nobel de la paix, il expliquait pourquoi, bien qu'économiste, il était légitime. À ses yeux, la lutte contre la pauvreté était une manière efficace d’œuvrer pour la paix, « parce que la pauvreté est le terreau de la violence et du terrorisme », ajoutait-il.
Précisant sa pensée, il déclarait : « Si on est pauvre, après tout, n'importe qui, qui se présentera en vous donnant à manger et un fusil pour se battre pour lui, eh bien, ce sera très facile. C'est un moyen de recrutement extrêmement aisé à mettre en place. Donc, si l'on veut renforcer la paix, renforcer les perspectives de paix par le monde, il faut traiter cette question de la pauvreté pour sortir tous ces gens de la survie au quotidien. »