L'ACTU.
Lors de sa conférence de presse le 16 janvier 2024, le chef de l’État a tenté de mettre un terme à la polémique sur les propos d’Amélie Oudéa-Castéra concernant le choix de l'école privée pour la scolarisation de ses enfants. Pour ce faire, Emmanuel Macron a utilisé une référence à la chanson de Michel Sardou, Les deux écoles. « Moi, je suis un enfant des deux écoles, comme disent les grands auteurs. J’ai été à la laïque et à l’école privée sous contrat, j’y ai vu des professeurs engagés à qui je dois beaucoup. Donc, je pense qu’il n’y a pas de conflit entre les deux écoles à avoir », a déclaré le président de la République.
La chanson Les deux écoles est sortie en 1984 en pleine « guerre » entre l'école privée et l'école publique. À l'époque, la loi Savary voulait supprimer les établissements privés. La loi dut être retirée après une manifestation rassemblant plus d'un million de personnes le 24 juin 1984. Ce contexte tendu inspira une chanson à Michel Sardou, lui qui, dans sa jeunesse, avait fréquenté les deux écoles. Ce titre engagé allait opportunément sortir quelques jours avant la grande manifestation.
« J'ai eu l'instituteur qui dans les rois de France
N'a vu que des tyrans aux règnes désastreux
Et celui qui faisait du vieil Anatole France
Un suppôt de Satan parce qu'il était sans Dieu.
J'ai fait les deux écoles et j'ai tout oublié
La nuit des carmagnoles, la fin des Assemblées
Les Dieux de l'Acropole et les Saints baptisés.
J'étais des deux écoles et ça n'a rien changé... »
LES ARCHIVES.
Le 22 juin 1984, deux jours avant le grand rassemblement pour sauver l'école privée, le chanteur présentait son nouvel album dans le 13h de TF1 d'Yves Mourousi et Marie-Laure Augry. Il allait être longuement question de ses motivations personnelles à écrire ce texte prônant la liberté de choix.
L'exclusivité de la diffusion de la chanson fut réservée à TF1. Dans l'archive ci-dessous, on découvre son enregistrement en studio.
Michel Sardou chante "Les deux écoles"
1984 - 04:05 - vidéo
Une chanson sociétale
Au cours de ce journal, le chanteur expliquait son positionnement personnel sur la question de l'éducation, sur l'engagement artistique et sa conception de l'engagement politique. L'interview est disponible en tête d'article.
« La chanson renvoie les "culs bénis" et les "Communards" dos à dos », plaisantait Yves Mourousi. Une définition qui semblait convenir au chanteur connu pour défendre des textes engagés. À travers ses paroles, Michel Sardou avouait vouloir relayer un certain consensus.
Visiblement détendu, il affirmait être, en quelque sorte, le porte-parole de l'opinion publique : « Ce que je défends dans la chanson, c'est un peu ce que pensent tous les gens qui vont défiler dimanche, et même les autres. À cet égard, je ne juge pas les qualités d'enseignement, qu'ils soient publics ou privés ». Lui-même concerné : « moi, j'ai des enfants à l'école publique et je n'ai pas à m'en plaindre. Ils sont très bien éduqués. Ce que je veux, c'est être propriétaire, véritablement, de mes enfants et choisir l'éducation qui me plaira. C'est surtout ça ».
Le reste, la qualité de l'enseignement, par exemple, il ne la jugeait pas. Lui-même confiait avoir été scolarisé dans les deux écoles et ne pas s'en porter mal, « comme je l'ai dit, j'ai tout oublié en plus », plaisantait-il.
Plus tard dans l'interview, il expliquait pourquoi ce sujet de l'école l'avait particulièrement touché et avait heurté son attachement à la liberté de choix : « Dans le cas de l’École libre, c'est une chose que je ressens profondément. Je trouve que c'est ridicule de sortir cette guerre-là, elle n'était pas nécessaire. On a d'autres problèmes en ce moment. Ce n'était pas la peine de réveiller cette querelle du XIXᵉ siècle. Je trouve que c'est une faute. Je trouve que c'est nous priver d'une liberté dont on a tous besoin. Quelles que soient nos opinions politiques d'ailleurs. C'est ça que je veux dire dans la chanson. »
Macron comme Sardou ?
Michel Sardou se défendait de faire de la politique en sortant cette chanson à deux jours de la manifestation contre la loi Savary, laissant aux politiques le soin de régler le problème.
Dans cet échange, Michel Sardou évoquait surtout sa vision de l'engagement artistique, un mélange de connexion à la société dans laquelle il vivait et de liberté d'expression plus personnelle. Il se décrivait avant tout comme un électron libre : « Il est évident que c'est le rôle de la chanson de parler de ce qui se passe, de tenir compte de notre temps, de tenir compte des idées qui circulent ». Mais pas question pour lui de se faire récupérer : « Je n'ai pas envie d'adhérer à tel ou tel parti, je n'ai pas envie de soutenir telle ou telle liste. Je ne me sens pas le bâton de quelqu'un là-dedans. Je donne une opinion personnelle qui, je crois, est partagée par beaucoup de gens, mais là-dedans, je ne fais aucune référence à personne. Je ne veux pas ! Je reste tout seul. J'aime la solitude. »
Yves Mourousi lui posait enfin une question sur l'intérêt de la solitude en politique, lui demandant si cette posture d'électron libre pourrait être payante ? Cette posture théorique, évoquée par le journaliste en 1984, n'est pas sans résonner avec le positionnement défendu dès 2017 par Emmanuel Macron et sa volonté de se situer au-dessus des partis. Une idée déjà avancée par le chanteur dans sa réponse. « Je ne sais pas si elle est payante. Il faudrait essayer, parce que pour l'instant, les groupements, ce n'est pas vraiment l'idéal. Peut-être qu'un homme seul, ça serait peut-être intéressant. Il y aurait moins de contraintes et moins de boulets à porter. », répondait le chanteur.
Michel Sardou se lançait ensuite dans une comparaison intéressante entre le spectacle et la politique, assez proches dans l'utilisation « du mensonge » : « Mon métier, c'est de distraire, si possible pas trop bêtement. De temps en temps, je peux avoir une idée personnelle, je la chante et je la défends, mais ce n'est pas systématique. Si vous voulez, sur une scène, on ment quand même un petit peu, au moins autant qu'en politique tout du moins... ».