L’ACTU.
Mercredi 18 octobre, Élisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement en déclenchant l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter la loi de programmation des finances publiques. C'est la 13e fois qu'elle utilise cet article.
Le gouvernement l'avait utilisé à plus de dix reprises afin de faire adopter ses projets de loi de Finances et de loi de financement de la Sécurité sociale fin 2022, puis pour faire passer la controversée réforme des retraites en mars dernier. Ces recours ont eu lieu alors que depuis les élections législatives de juin 2022, Ensemble!, la coalition soutenant la politique d'Emmanuel Macron, n’a obtenu que 245 sièges à l'Assemblée nationale, soit une majorité relative qui rend plus difficile le vote des lois.
LES ARCHIVES.
« Malgré la richesse des échanges auxquels ce débat a donné lieu, des raisons, qui ne sont probablement pas absolument toutes liées à l'audiovisuel, ont conduit divers groupes à adopter une position de refus. Et les voilà qui convergent. J’entends donc que chacun prenne ses responsabilités, à commencer par moi, les miennes. » Le 15 décembre 1988, Michel Rocard, alors Premier ministre, engage pour la première fois la responsabilité de son gouvernement, en recourant à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Lors des élections de 1988, l'exécutif n'avait obtenu qu'une majorité relative à l'Assemblée, fait rare dans l'histoire de la Ve République. Comme pour Élisabeth Borne aujourd'hui, c'était une situation assez inconfortable pour le gouvernement Rocard puisqu'il avait alors des difficultés à faire adopter ses projets de loi.
Ce premier recours eut lieu dans le cadre du projet de loi créant le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA, aujourd’hui fusionné dans l’Arcom). Un texte qui, au départ, se voulait consensuel. « L’audiovisuel qui devait être symbole de l’ouverture et du consensus, se révèle en fait être la pierre d'achoppement du gouvernement. L’opposition votera-t-elle pour autant la motion de censure, probablement pas », expliquait alors une journaliste.
28 recours au 49.3 dont 13 en une seule session parlementaire
Ce recours au 49.3 par Michel Rocard ne fut donc que le premier d'une longue série. À tel point que l’archive ci-dessous baptisait l’homme politique de « recordman en la matière », à l’inverse de François Fillon, Lionel Jospin et Jean-Marc Ayrault qui ne l’utilisèrent jamais. Entre 1988 et 1991, il engagea 28 fois la responsabilité de son gouvernement, soit plus d'un quart de la centaine de recours au 49.3 effectués depuis le début de la Ve République.
Cinq motions de censure, seul moyen d'empêcher l'adoption de la loi en renversant le gouvernement quand sa responsabilité est engagée, furent déposées contre son gouvernement. Aucune ne fut adoptée.
Article 49.3 : les précédents
2015 - 01:35 - vidéo
La réforme constitutionnelle de 2008 a réduit l'utilisation du 49.3 à un recours par session parlementaire, hors vote du budget ou projets de loi de financement de la Sécurité sociale. Cette disposition aurait posé problème à Michel Rocard, qui en 1989, avait utilisé 13 fois le fameux article en une seule session, dont au moins trois fois sur le projet de loi de programmation militaire 1990-1993. « Record battu » s'exclamait dans l'archive ci-dessous, un journaliste.
L'opposition y criait à l’abus, alors que Michel Rocard avait annoncé, avec un brin d'humour, l'engagement de la responsabilité du gouvernement : « pour la 13e fois au cours de cette session, sauf erreur de ma part - erreur qui a ce niveau-là serait d’ailleurs fort excusable - me voici amené à venir parmi vous tirer les conséquences de l’absence de majorité absolue au sein de cette assemblée... » Face à la bonne humeur affichée du gouvernement de l'époque, le journaliste concluait : « l'opposition, de la droite aux communistes, n’en dénonce pas moins ce qu’elle appelle le mépris dans lequel le gouvernement tient le parlement. »
Jean Poperen : le 49.3
1989 - 01:57 - vidéo
Contre l'obstruction parlementaire
Le Premier ministre utilisa le 49.3 principalement pour voter le budget, soit 12 fois au cours de la mandature. En dehors, de la création du CSA, ce furent notamment la loi de programmation militaire 1990-1993 et la réforme du statut de la régie Renault qui furent adoptées par 49.3.
Pour cette dernière, qui transforma Renault en société anonyme, le recours au 49.3 n’eut pas lieu pour abréger des débats ou résoudre un blocage législatif, mais pour contrecarrer une obstruction parlementaire. « Le premier ministre répond à la mitraille des 2000 amendements déposés par les communistes par l'artillerie lourde du 49.3 », expliquait l'archive ci-dessous avec une métaphore filée militaire. « C’est la première fois au cours de cette législature que nous sommes confrontés à une volonté délibérée d'obstruction, stérile par essence, qui nous vient du Parti communiste Français. (...) Qu’à cela ne tienne, vous êtes expert depuis quelques années dans l’art de choisir les mauvais combats, c’est vous que cela regarde », disait alors Michel Rocard avec un ton irrité.
49.3 Renault
1990 - 02:02 - vidéo
Loin des 28 recours au 49.3 de Michel Rocard, seul Édouard Philippe avait jusque-là utilisé cet article depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Depuis la mi-octobre 2022, c’est donc au tour d’Élisabeth Borne d’y recourir à répétition.
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