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Lorsque qu'EDF communiquait sur l'existence de fissures dans la centrale du Tricastin en 1979

Lorsque qu'EDF communiquait sur l'existence de fissures dans la centrale du Tricastin en 1979

L'ASN vient d'autoriser la prolongation du réacteur 1 pour une durée de 10 ans. En juin 2022, un ancien cadre d'EDF accusait le groupe d'avoir dissimulé des incidents de sûreté à la centrale du Tricastin. Cette centrale est la seconde à avoir entamé son activité en 1979. Dès sa mise en fonction, le personnel y décelait des petites fissures. Des équipes du journal d'Antenne 2 avaient pu y filmer.

Par Florence Dartois - Publié le 09.06.2022 - Mis à jour le 22.08.2023
Les fissures de Tricastin - 1979 - 04:25 - vidéo
 

L'ACTU.

Le réacteur numéro 1 de la centrale du Tricastin (Drôme) vient d'être prolongé de 10 ans par l'ASN (Agence de sûreté nationale), il avait été mis en fonction en 1980. Après un examen approfondi du réacteur 1, l'autorité a considéré « que les conclusions du quatrième réexamen périodique du réacteur, les actions prévues par EDF et celles prises en réponse à la décision de l'ASN (...) permettent d'atteindre les objectifs fixés pour ce réexamen périodique », une information relayée par le quotidien Les Échos, le 21 août.

La prolongation fait suite aux travaux entrepris par EDF dans le cadre de son programme « Grand carénage », mené depuis 2014 pour rénover le parc nucléaire français. Il vise à augmenter le niveau de sûreté des réacteurs afin d'étendre leur exploitation significativement au-delà des 40 années prévus initialement.

En juin 2022, à la suite d'une plainte d'octobre 2021 déposée par un ancien cadre d'EDF, le parquet de Marseille avait lancé une enquête sur des soupçons de dissimulation par le groupe d'incidents à la centrale du Tricastin. À l'époque, selon l'AFP, une information judiciaire contre X avait été ouverte par le Pôle de santé publique de Marseille, visant une douzaine d'infractions au Code pénal et au Code de l'environnement pour des faits courant de début 2017 à fin 2021. Parmi les infractions figuraient la « non-déclaration d'incident ou d'accident », la « mise en danger d'autrui », « faux et usage de faux », le « déversement dans l'eau par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence d'une substance entraînant des effets nuisibles », ou encore le « harcèlement moral ». Dans cette affaire, l'ancien cadre de la centrale surnommé « Victor » sollicitait le statut de lanceur d'alerte et s'était constitué partie civile. Des perquisitions avaient été effectuées à la centrale en septembre 2022. L'affaire est toujours en cours. EDF et l'ASN nient toute dissimulation d'incidents majeurs.

L'ARCHIVE.

La centrale nucléaire du Tricastin se situe sur le Rhône, sur la commune de Saint-Paul-Trois-Châteaux, à 10 km de Pierrelatte, 28 km au sud de Montélimar et 50 km au nord d'Avignon. Elle est constituée de quatre réacteurs à eau sous pression d’une puissance de 900 MWe chacun : les réacteurs 1 et 2, mis en service en 1980, constituent l’INB 87, les réacteurs 3 et 4, mis en service en 1981, constituent l’INB 88.

Déclaré d'utilité publique en 1975, dans le cadre du grand projet de nucléarisation civile lancée par l’État français en 1974, sa construction a débuté dès 1976. Dès 1979, des anomalies avaient été constatées, notamment des micro-fissures repérées dans des tubulures en acier inoxydable. Elles avaient été rendues publiques par les syndicats. Après celle de Gravelines, c'était la deuxième centrale dans laquelle on décelait des fissures, et l'inquiétude montait à quelques semaines de leur démarrage.

C'est à cette occasion que des journalistes d'Antenne 2 avaient été autorisés à filmer sur place. Un reportage diffusé en longueur dans le journal de 20 heures de Patrick Poivre d'Arvor, le 25 octobre 1979. Il s'agissait d'une enquête exceptionnelle, car il était rare que la Sécurité nucléaire autorise la sortie d'images d'installations stratégiques.

Au cœur du réacteur

Philippe Dumez, Alain Pagano et leurs équipes avaient ainsi pu pénétrer à l'intérieur d'une centrale nucléaire, juste avant le chargement de son combustible. C'est cette archive que nous vous proposons de regarder en tête d'article. Les journalistes avaient été invités à suivre les différentes étapes du contrôle dans des zones d'accès très restreintes « pour en rapporter des images exceptionnelles », précisait le commentaire. Cette visite marquait la volonté d'EDF d'être complètement transparente sur les fissures découvertes et les éventuels risques encourus. Il s'agissait surtout d'une opération innovante de communication.

Dans la piscine d'un réacteur où travaillaient encore des ouvriers, le responsable du site, René Cousyn, rassurait sur la nature des fissures repérées. Il s'agissait ici de « micro-fissures de surface invisibles à l'œil nu. » S'il se montrait rassurant, certains à l'époque critiquaient la qualité des contrôles sur site, qui ne pouvaient pas être, selon eux, aussi précis que ceux faits en usine. Les syndicats n'y voyaient qu'une base de départ pour la suite du suivi, dans le temps, de l'évolution de ces fissures.

Des fissures sous contrôle

Le constructeur des matériaux, Framatome, assurait lui avoir une parfaite connaissance et la maîtrise de ces problèmes. Dans la centrale, Jean-François Terrien, directeur de Framatome, répondait en personne à une interview. Il l'assurait, « ils savaient parfaitement déterminer la longueur de ces fissures ainsi que leur positionnement sur les pièces » et mettaient au point des méthodes encore plus perfectionnées pour l'analyse complète de la taille de ces fissures. Interrogé sur leur évolution future, le directeur affirmait que d'après leurs calculs, elles n'évolueraient pas dans le temps. Il ajoutait prudemment qu'ils seraient « néanmoins prêts » à continuer les contrôles. Les images montraient d'ailleurs un ingénieur prenant des mesures dans l'une des tubulures fissurées. L'expérience métallurgique de Framatome semblait alors rassurante et le contrôle de suivi mis en place paraissait suffisant, tout au moins pour les 30 ans de durée de vie théorique d'un réacteur.

Le journaliste soulignait tout de même que Framatome avait modifié la nature de l'acier inoxydable utilisé pour ces cuves, qui semblaient bien être à l'origine des fissures. Les images montraient l'un des nouveaux revêtements en inox destinés à éviter la corrosion « dans les parties sensibles du circuit primaire », du cœur du réacteur jusqu'au générateur de vapeur.

Un dialogue ouvert

À l'époque, le commentaire précisait que pour EDF, il n'y avait aucun danger, mais que l'entreprise avait tout de même lancé des contrôles supplémentaires. René Cousyn, le directeur interrogé plus tôt, et responsable de l'aménagement de la centrale, confirmait cette bonne volonté et assurait que face à l'inquiétude du personnel, et dans « un souci de concertation », ils avaient engagé un dialogue dans le cadre des comités d'hygiène et de sécurité, afin de compléter l'information des personnels.

À EDF et chez Framatome, l'heure était à l'évidence à la transparence et au dialogue. Dans ce contexte positif, ils étaient même allés au-delà des demandes en lançant des investigations complémentaires pour rassurer les agents. L'objectif étant tout de même de rester dans les délais et de lancer le chargement de la centrale en combustibles nucléaires début novembre 1979, pour une fourniture des premiers kilowatts sur le réseau début janvier 1980.

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