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«Une volonté de détruire le Liban» : les mots de Jacques Chirac lors de la guerre de 2006

«Une volonté de détruire le Liban» : les mots de Jacques Chirac lors de la guerre de 2006

Lors de la guerre menée par Israël en 2006 au Liban contre le Hezbollah, le président français s'était montré très préoccupé, se disant «consterné» par la riposte de l’État hébreu. Une façon d'afficher le soutien de la France au pays du cèdre.

Par la rédaction de l'INA - Publié le 24.09.2024 - Mis à jour le 24.10.2024
Jacques Chirac et la guerre au Liban - 2006 - 06:49 - vidéo
 

Lorsque Jacques Chirac s'exprime le 14 juillet 2006 pour la traditionnelle interview télévisée de la Fête nationale, cela fait déjà deux jours que l'armée israélienne pilonne le Liban et les positions du Hezbollah en réponse à une action menée par le parti chiite à la frontière entre les deux pays. En effet, le 12 juillet, « le parti de Dieu » était parvenu à enlever deux soldats israéliens le long de la frontière. La riposte de l’État hébreu sera immédiate et puissante. Les chars israéliens entreront en territoire libanais et l'aviation bombardera plusieurs localités, jusqu'à l'aéroport international de Beyrouth. Les infrastructures du Liban seront très durement touchées tandis que les principales victimes seront des civils.

Connu pour être très proche de la famille de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, Jacques Chirac s'exprime donc dans ce contexte de forte tension en ce 14 juillet. D'emblée, il ne mâche pas ses mots, se demandant s'il n'y avait « pas une volonté de détruire le Liban » en qualifiant la riposte israélienne de « disproportionnée ». « Tout le monde est responsable » de l'escalade de la violence dans cette région, ajoute-il en répondant à David Pujadas et Patrick Poivre d'Arvor. Il pointait toutefois « une espèce de processus qui est porté par le Hamas et le Hezbollah et qui est dans le système provocation-répression ». « Ces gens sont absolument irresponsables, notamment à l'égard des populations du Liban », ajoutait-il. S'en suivent des propos sur, notamment, la possible implication d'un pays tiers, l'Iran, dans les responsabilités des tensions régionales.

Les mots de soutien de Jacques Chirac à l'égard du Liban résonnent avec la position actuelle de la France. Le 24 septembre 2024, Emmanuel Macron a en effet déclaré que notre pays sera toujours aux côtés du Liban quelques jours après le début d'une offensive d'Israël contre le Hezbollah. Et le 24 octobre, la France a présidé à une conférence internationale en soutien au Liban, 800 millions d'euros ont été promis.

Voici le verbatim de l'intervention de Jacques Chirac, visible en tête de cet article :

Jacques Chirac - Certes. Je suis tout à fait consterné par ce qui se passe actuellement au Proche-Orient. On avait imaginé, j'avais imaginé, il y a peu de temps, quelques semaines, que l'on était engagé sur la voie de la stabilité et de la paix. J'avais eu l'occasion, à l'époque, de rencontrer d'abord M. Mahmoud Abbas, ensuite ici à Paris M. Ehud Olmert, le Premier ministre d'Israël, et j'avais le sentiment que l'on était bien engagé sur la voie de la paix. Et puis les évènements ont contredit cette approche.

Question - Et là, qui est responsable : Israël, le Hezbollah, la Syrie, l'Iran ?
Jacques Chirac - Dans une affaire de cette nature, tout le monde est responsable.

Question - Il n'y a pas un agresseur et un agressé ?
Jacques Chirac - Oui, il y a effectivement un agresseur et un agressé, mais tout dépend de la définition que l'on donne à ces termes. Je voudrais tout d'abord dire que, si j'en crois les dernières nouvelles, celles de ce matin, on peut se demander s'il n'y a pas, aujourd'hui, une volonté de détruire le Liban, ses équipements, ses routes, ses communications, son énergie, son aérodrome. Et pourquoi ? Le Liban est un pays avec lequel la France a, depuis très longtemps, des relations d'amitié, de solidarité. La France est donc particulièrement sensible à ce sujet. Je trouve, honnêtement, comme l'ensemble des Européens, que les réactions actuelles sont tout à fait disproportionnées.

Question - Est-ce qu'il n'y a pas une forme, tout de même, de passivité vis-à-vis d'Israël parce que la même situation s'est produite, il y a quinze jours, à Gaza, là aussi, on a parlé de réaction disproportionnée. Est-ce que cette passivité, à part dans les mots, ne laisse pas le champ libre à l'expression de cette violence excessive, d'après vous ?
Jacques Chirac - Il faut prendre maintenant des initiatives, elles sont urgentes. J'ai eu longuement hier au téléphone le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan. Je lui ai suggéré une initiative. Je suis heureux qu'il l'ait finalement retenue, si j'en crois les décisions qui ont été prises ce matin et qui consistent à envoyer de toute urgence une mission de l'ONU sur place, une mission représentant le Secrétaire général et apte à parler avec tout le monde. Une mission qui doit aller au Liban - si elle peut y accéder, car, pour le moment, on ne peut pas atterrir - mais qui doit également aller en Israël, à Ramallah. Elle doit aller dans les principaux pays arabes concernés, l'Égypte, l'Arabie Saoudite, la Jordanie, le Qatar, et terminer par la Syrie. Je dis terminer par la Syrie parce qu'il y a, sans aucun doute, au cœur de l'ensemble de ce problème une action qui a besoin d'être discutée avec la Syrie.
Cette mission devrait donc avoir quelles responsabilités, quels objectifs ? Ce que j'ai dit à Kofi Annan, c'est que l'objectif principal est d'obtenir la libération des prisonniers israéliens détenus, les trois soldats, le caporal Shalit, qui a été pris par le Hamas, et les deux soldats qui ont été pris par le Hezbollah au Liban. Cela, c'est capital. Deuxièmement, obtenir le cessez-le-feu total. Troisièmement, étudier les modalités de mise en œuvre d'une protection militaire à la frontière d'Israël et du Liban, à l'image de celle que nous avions faite avec le Liban, il y a quelques années.

Question - Une sorte de zone tampon ?
Jacques Chirac - Oui. En tous les cas, une sécurité militaire internationale et pour éviter ce genre de cas, car, parmi les objectifs essentiels, il y a de la part du Hezbollah, de la part du Hamas, la nécessité de cesser ce qui est inadmissible, inacceptable et irresponsable. Les tirs de fusée sont réguliers maintenant, à partir du territoire palestinien sur Israël, ce qui n'est pas acceptable. Il y a donc une espèce de processus qui est portée d'une part par le Hamas et d'autre part par le Hezbollah et qui, dans le système provocation/répression, risque de nous amener, Dieu seul sait où, et en tous les cas, de mener le Liban au drame. Ces gens sont absolument irresponsables, notamment à l'égard des populations du Liban.

Question - Est-ce que vous voyez derrière le Hezbollah la main de l'Iran, également, dont on sait qu'un bras de fer est engagé avec la communauté internationale ?
Jacques Chirac - Je ne veux pas porter de jugement définitif. Mais j'ai le sentiment, pour ne pas dire la conviction, que le Hamas de son côté, le Hezbollah du sien, ne peuvent pas avoir pris ces initiatives tout à fait seuls et que, par conséquent, il y a quelque part un soutien de la part de telle ou telle nation.

Question - Ce serait de la part de l'Iran, par exemple, le désir de détourner l'attention de l'arme nucléaire ? Vous pensez que l'Iran aura l'arme nucléaire dans les deux ans à venir ?
Jacques Chirac - Cela, c'est un autre problème, nous allons y venir, j'imagine. Ce que je sais, c'est que je me réjouis que le Secrétaire général ait accepté d'envoyer cette mission. Deuxièmement, j'ai aussi demandé que l'Union européenne envoie d'urgence M. Javier Solana. Je crois comprendre que ce sera également exécuté.
En tous les cas, nous devons être en permanence en initiative sur cette affaire qui est tout à fait dramatique.

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