Quelle ballerine n’a jamais rêvé d’interpréter le rôle-titre du plus fascinant des ballets, le mythique Lac des cygnes ? Cette œuvre magistrale en quatre actes voit le jour en 1877 à la demande de l’intendant du grand théâtre de Moscou Vladimir Begitchev. Il écrit le livret en s’inspirant d'une légende allemande intitulée Le voile dérobé, et demande à Piotr Ilitch Tchaïkovski de se charger de la partition.
Le compositeur réutilise un petit ballet écrit pour ses neveux durant l’été 1875. L'histoire du Lac des cygnes est assez simple : le prince Siegfried s’éprend d’une jeune fille prénommée Odette que le maléfice d’un sorcier condamne à vivre sous la forme d’un cygne blanc le jour et à retrouver sa véritable apparence la nuit. Seul un serment d'amour pourrait la sauver. Siegfried décide de se fiancer avec elle. Mais, manipulé par le sorcier, le prince annonce son mariage avec Odile, copie maléfique d’Odette (le cygne noir).
D'un divertissement enfantin le compositeur va créer un conte dramatique aussi sombre que les plumes du cygne noir, et aussi aérien que les pas de la ballerine incarnant le cygne blanc. La féerie du ballet repose en grande partie sur la perfection de ses formes géométriques et ses figures complexes. Certains le compare à de la calligraphie. Il existe plusieurs versions du dernier acte. Le plus souvent, le cygne blanc est en plein désespoir. Le prince dupé est emporté par le tumulte des flots, tandis que la jeune fille-cygne meurt de chagrin. Il est à noter qu'il existe aussi une fin alternative et heureuse.
L’œuvre est présentée pour la première fois le 4 mars 1877 au Théâtre Impérial Bolchoï. Elle rencontre un succès mitigé, avant d'être remaniée par Marius Petipa en 1895. Depuis, elle n’a cessé d’éblouir le public. La grâce aérienne des danseurs représente une somme de travail, de patience et d’efforts incessants comme le montre de nombreux reportages des répétitions de la troupe du ballet du Bolchoï.
L'archive présentée en tête d'article est un long extrait de l'un des principaux pas de deux, dansé en 1978, par Michael Denard et Claire Motte. Ci-dessous, dans l'émission « Grands classiques », en 1979, nous retrouvons la danseuse étoile Claire Motte, cette fois-ci accompagnée de Cyril Atanassoff. Ils offrent un joli aperçu de la scène du cygne noir.
Le cygne, le rôle d'une vie
Le double rôle du cygne blanc et du cygne noir représente la consécration d’une carrière de danseuse étoile. En 1961, Maïa Plissetskaïa, étoile russe, acceptait de danser quelques pas du ballet pour la télévision française. A découvrir ci-dessous.
Dix ans plus tard, toutes les étoiles de l’Opéra de Paris endossaient en alternance les plumes du cygne. A chaque représentation, la magie opère, portée par une grâce infinie, des mouvements fluides, à l'image de l'interprétation de Noëlla Pontois et de la performance du danseur Jean-Pierre Franchetti au Théâtre des Champs-Elysées en 1971. A découvrir également ci-dessous.
En 1999, Sylvie Guillem devenait à son tour le fragile volatile. Dans l'archive ci-dessous, elle décrivait la fascination exercée par ce rôle exigeant.
Un jour mon prince viendra
Interpréter le prince rivalise avec l’honneur d’incarner le cygne. Celui qu’on appelle, le plus grand danseur du monde, Rudolf Noureev a revêtu les atours princiers à de nombreuses reprises, notamment en 1973, époque à laquelle il partageait sa vision du ballet.
L’année suivante, en 1974, dans une interview radio, le danseur étoile de l’Opéra de Paris, Cyril Atanassoff, décrivait ce rôle comme l’apogée d’une carrière.
Chaque chorégraphe dévoile une nouvelle facette du héros malheureux de Tchaïkovski. Rudolf Noureev a monté l’œuvre à de nombreuses reprises. Sa version de 1984 prenait une tournure plus psychologique. En 1990, le danseur russe Andris Liépa évoquait son travail avec le chorégraphe sur cette vision très mélancolique du prince.
Danser Siegfried a aussi suscité toutes les convoitises. En 1989, Rudollf Noureev, à nouveau, créait la polémique en choisissant pour le rôle titre le jeune Kenneth Greves, un total inconnu.
Un ballet polyforme
A l'image de son héroïne, Le Lac des cygnes s'est métamorphosé au fil des années. En 1927, le danseur étoile Serge Lifar prêtait ses pas à ceux du prince, chorégraphié par Marius Pétipa. Dans cette interview audio de 1952, le chorégraphe décrivait sa démarche et sa vision de la danse.
Entretien avec Serge Lifar : 3ème partie
1952 - 17:40 - audio
Mais l’engouement pour cette chorégraphie romantique a continué à se perpétrer dans les nouvelles générations. En 1981, Noëlla Pontois, aux côtés de Cyril Atanassoff, Michaël Denard et Ghislaine Thesmar partageaient leur passion pour la légende du Lac des cygnes qu'ils interprétaient alors au Palais des Congrès.
Depuis, l’œuvre romantique s'est déclinée dans toutes les cultures. En 2005, des cygnes musculeux remplaçaient les tutus et les froufrous. Le maître de ballet Peter Furness exposait son point de vue dans l'interview ci-dessous.
Swan Lake : "Le Lac des cygnes" au masculin
2005 - 02:06 - vidéo
L’année suivante, la troupe de Shanghai dépoussiérait le ballet en lui ajoutant quelques références au cirque.
En 2012, il se livrait aux rythmes africains grâce au talent de Dada Masilo, pour un résultat décoiffant.
Pour aller plus loin :
En 2011, le cinéma s’empare à son tour du mythe. Le Black Swan de Darren Aronofsky envoûte et consacre l’actrice Natalie Portman, oscarisée pour son rôle.
Deux versions du Lac des cygnes à découvrir sur la fresque « En scènes »