Le 19 juin 1991, Jacques Chirac, président du RPR, est à Orléans. Il dit : «Le travailleur français (...) qui travaille avec sa femme et qui ensemble gagnent 15.000 francs et qui voit sur le palier en bas de son HLM, entassés, une famille, avec un père de famille, 3 ou 4 épouses, une vingtaine de gosses et qui gagne 50.000 francs de prestations sociales sans naturellement travailler (...) Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, eh bien le travailleur français, sur le palier, il devient fou. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela (...) Nous n’avons plus les moyens d’honorer le regroupement familial.»
Pascal Perrineau, politologue, décrypte cette sortie : «C’est une phrase qui a fait beaucoup, beaucoup, beaucoup polémique. Il est à Orléans, en train de dîner, avec des militants et des cadres du RPR. Il aimait bien être à table, il buvait de la bière, d’ailleurs il y a un verre à moitié vide de bière devant lui. Il y a une certaine chaleur liée à la fin du repas et Jacques Chirac veut en effet aborder le thème de l’immigration.»
Avec cette phrase, poursuit-il, «on commence à stigmatiser des populations qui pourraient en effet être un peu bruyantes et peut-être faire une cuisine particulièrement odorante et peut-être malodorante.»
«Il faut bien savoir que le regroupement familial c’était en 1976. C’est le chef du gouvernement de l’époque qui s’appelait Jacques Chirac qui l’avait instauré», explique Pascal Perrineau avant d'ajouter que le regroupement familial «a rendu l’immigration visible en France. Parce qu’on a vu des femmes dans les commerces, les enfants dans les écoles, ce n’était pas simplement les hommes qui allaient à l’usine. Et là on a l’impression qu’en une vingtaine d’années, Chirac a beaucoup, beaucoup évolué. Pourquoi ? Eh bien parce que, entre temps, il y a eu la percée politique du Front national. Jean-Marie Le Pen a énormément politisé le débat de l’immigration. Et là, c’est un Jacques Chirac qui fait de la copie.»
Le lendemain d'ailleurs, Jean-Marie Le Pen tente de répondre à Jacques Chirac avec une autre phrase qui aura un succès fou : «Je crois que les électeurs préféreront toujours l’original à la copie.»
«Et là on voit qu’au fond, Jacques Chirac, qui était pourtant un homme subtil, un vrai humaniste, toute sa carrière le montre, eh bien, un soir, à Orléans, après quelques bières, il céda à la xénophobie. En cela, hélas, il est un homme ordinaire», conclut Pascal Perrineau.