Le Rassemblement national est un parti qui a été banalisé en 20 ans. A quel point ? Pour le voir, comparons deux époques.
Le 21 avril 2002, d'abord. Ce jour-là, les mots manquent aux journalistes et analystes de la vie politique française. C'est une énorme surprise, une onde de choc : Jean-Marie Le Pen, candidat Front National, déjoue les pronostics et se qualifie pour le 2nd tour de la présidentielle. C’est une première pour le parti d'extrême-droite. Partout en France, plus d’un million de personnes manifestent alors pour dire « non » au FN. Place de la Bastille, à Paris, ce manifestant s'insurge, le 22 avril 2002 : « Je suis petit-fils de déporté et je ne peux pas supporter l’idée qu’un mec comme Le Pen puisse arriver un jour au pouvoir. »
Quinze ans plus tard, en 2017, le Front national est une nouvelle fois au second tour d’une présidentielle. Mais cette fois, pas de front républicain dans la rue. Les manifestations n’ont rien à voir avec 2002. Et Marine Le Pen n’est pas la seule candidate visée, comme en atteste le slogan « Ni Le Pen, ni Macron ! » et le témoignage d'une manifestante lors d'un cortège, le 30 avril 2017 : « Que ce soit Le Pen ou Macron, et un peu aussi contre le système capitaliste qui ne nous convient pas du tout. »
Autre élément de comparaison : les unes des journaux. En 2002, le quotidien Libération titrait un grand NON au lendemain du 1er tour en 2002. Le même journal, au lendemain du 1er tour en 2007, affiche la photographie d'Emmanuel Macron avec ce titre : « A une marche. » La tonalité n’est plus la même. Pareil pour Le Figaro. En 2002, le quotidien titrait de façon forte, « Le séisme ». En 2017, le choc a déserté la une du quotidien avec ces trois mots : « La droite KO ».
Dédiabolisation
Mais alors comment le Rassemblement national s’est-il banalisé en 20 ans ? C’est le résultat de l’opération de dédiabolisation menée par Marine Le Pen. En 2011, elle accède à la tête du FN. Un changement bienvenu selon ce sympathisant, interviewé le 16 janvier 2011 : « Elle est beaucoup plus moderne [que son père, NDLR]. C’est une nouvelle génération. Ce sont des idées présentées différemment. » Marine Le Pen veut rompre avec l’image de son père. En 2017, pour la campagne présidentielle, elle change de logo. Le nom de Le Pen a disparu, seul son prénom est visible. Autre élément de communication, c'en est fini de la flamme du Front national : place à une rose bleue sans épines.
En 2018, cette transformation passe par une nouvelle étape, le nom. Fini le Front national ! Le parti s’appelle désormais le Rassemblement national (RN). Un nom fédérateur, comme l'indique cette militante, interviewée le 11 mars 2018 : « Il y avait des personnes qui avaient peur de se joindre à nous. Il n'y a vraiment pas lieu de s’inquiéter, et on va pouvoir rassembler plus de gens. »
Toute cette stratégie de communication se ressent aussi dans les élections, notamment présidentielles. En 2007, pour sa dernière campagne, Jean-Marie Le Pen a récolté 3 834 530 voix au premier tour. En 2012, pour sa première élection présidentielle, Marine Le Pen a obtenu 6 421 426 voix au premier tour. Puis en 2017, 7 678 491 voix. Soit deux fois plus que son père dix ans plus tôt.