"Je me suis trouvé en présence d'un incendie qui était magistral et très beau en lui-même. J'ai fait des tas de croquis et de pochades, des notes qui m'ont servi à établir une série de pastels sur l'incendie de la cathédrale."
19 septembre 1914. 15 heures. Un obus explose sur l'échafaudage qui ceinture la tour nord de la cathédrale de Reims. L'ensemble s'embrase instantanément. Le peintre Adrien Sénéchal, présent au moment du drame, décrit la tragédie.
"L'incendie a éclaté en trois endroits bien différents. D'abord sur l'échafaudage, au transept et à l’abside. La particularité de cet incendie c'était le plomb en fusion. L'échafaudage s'effondra et donna tout un brouillard devant la cathédrale..."
Depuis août 1914, l'offensive allemande a obligé les Français à se replier et à déclarer Reims, ville ouverte. Les combats font rage et la ville essuie des milliers de bombardements. Son joyau gothique est touché à plusieurs reprises mais sa structure solide résiste jusqu'au 19 septembre…
Témoignage d'un rémois ému, 1988
Sous l’effet de la chaleur, la moitié de la Grande Rose éclate. Les flammèches atteignent des lits de paille installés dans le transept afin d’y accueillir les blessés. L'incendie ravage la toiture en chêne. L'embrasement devient incontrôlable. Toute la nuit, la cathédrale se consume. Les bâtiments et quartiers voisins sont également touchés.
Un symbole de la barbarie
La cathédrale devient immédiatement le symbole de la barbarie allemande. Sur les lieux, le journaliste Albert Londres décrit le drame. Ce reportage lui vaut sa célébrité.
Albert Londres devient célèbre grâce à son reportage sur l’incendie de la cathédrale, 1973
Des années plus tard, un témoin relate le deuil national provoqué par la perte de ce trésor du catholicisme.
L'incendie de la cathédrale de Reims, 1999
En quatre ans de guerre, la grande dame gothique reçoit plus de 400 obus. Saccagée et broyée, elle reste pourtant debout et aurait pu être totalement détruite sans l'intervention d'un brancardier normand, Georges Burkard. En 1977, il raconte son aventure.
Le sauveteur de la cathédrale, 1977
Au terme du conflit, les dégâts sont colossaux. Certains réclament que Notre-Dame de Reims soit transformée en mémorial. On décide finalement de la restaurer. Des dons de particuliers et de mécènes, notamment de la famille Rockefeller, financent les premiers travaux.
Un chantier titanesque
Ce travail titanesque est confié à l'architecte rémois Henri Deneux. Il s'entoure des meilleurs artisans d'art et lance les travaux dès 1919.
Au cours des fouilles, les entrailles du vaisseau dévoile l'existence d'un baptistère inconnu jusqu'alors ! Celui de Clovis, le premier roi des Francs, baptisé à Reims.
Le baptistère de Clovis (découvert pendant la restauration), 1992
Les statues endommagées reçoivent les soins attentionnés des restaurateurs de pierres.
Travail des restaurateurs de pierre, 1951
Plusieurs étapes successives vont redonner leur faste aux pierres millénaires. Le portail blanchi est terminé en 1966.
Restauration du portail central en 1966
En 1974, l'artiste Chagall réalise de nouveaux vitraux.
Restauration des vitraux par Chagall, 1974
Le transept nord est terminé en 1976.
Restauration du transept nord, statuaire 1976
Le lieu de la réconciliation
Malgré ses allures de chantier, l'édifice est consacré et rendu au culte le 9 juillet 1938.
Reportage audio de 1938 réalisé au cours de la consécration du lieu (audio)
En 1962, la cathédrale des sacres royaux accueille la rencontre entre le général de Gaulle et Konrad Adenauer, scellant ainsi la réconciliation franco-allemande.
Voyage d'Adenauer en France, 1962
En 2012, François Hollande et Angela Merkel célèbre le 50e anniversaire de la réconciliation sur son parvis.
Hollande et Merkel célèbrent 50 ans d'amitié franco allemande, juillet 2012
Cent ans après l'incendie, la restauration n'est toujours pas achevée. La cathédrale de Reims a retrouvé sa splendeur passée mais reste le symbole intemporel de la folie des hommes et des outrages de la Grande Guerre.
Florence Dartois
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