Quel est exactement le statut du juré d'assises ? Qui peut devenir juré et quel sont ses prérogatives au cours d'un procès ? Nous allons tenter d'apporter des éléments de réponses en archives. La première, en tête d'article, est un extrait du magazine d'information « Vendredi » diffusé le 14 mai 1976 sur FR3. Il était consacré ce jour-là aux jurés d'assises. Parmi les invités interrogés dans ce programme, Robert Badinter revenait sur l'origine des jurys pas vraiment populaire, issus de la Révolution française, mais en réalité importés d'Angleterre.
Prolongés par Napoléon, la sélection des jurés allait devenir la prérogative du préfet : « il fallait lier la possibilité d'être désigné comme juré à la capacité politique. Or, le nombre des électeurs sous la Restauration est un nombre très restreint. C'est finalement de grands électeurs, en petit nombre, de grands propriétaires terriens ou de très grands bourgeois très riches. Et vous avez là un jury d'une composition très restreinte, très sélectionné, extrêmement répressif. En 1825, 130 condamnations à mort environ. », soulignait-il.
Avec l'accession au pouvoir de la moyenne bourgeoisie, la composition du jury populaire s'est transformée et élargie, « le résultat est là. Vous avez de nouveaux jurés, plus jeunes, moins riches, plus accessibles aux idées d'Hugo ou de Lamartine. Et aussitôt une diminution très importante du niveau répressif des condamnations. 1836, il n'y a plus que 25 condamnations à mort. »
En 1941, le gouvernement de Vichy décidait de supprimer le jury populaire, « il y aurait dorénavant 6 jurés et 3 magistrats » à la place des 12 jurés dits « populaires » précédents. En 1976, on était revenu à 12 personnes, mais toujours avec un mixage semi-professionnel, « avec 9 jurés et 3 magistrats jugeant ensemble ».
Une mixité efficace ?
En 1976, le ministère de la Justice souhaitait déjà une réforme des assises. Dans le même magazine, interrogé par Yvan Levaï, Christian Le Gunehec, directeur des Affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice, évoquait les reproches que l'on faisait parfois au jury populaire, notamment sur le profil des jurés souvent qualifiés de « notables représentatifs de la bourgeoisie ». Une situation qui s'expliquait selon lui par la volonté de la loi d'imposer aux jurés de « posséder les qualités d’un juge professionnel », même s'il affirmait que désormais l’ensemble des citoyens étaient capables de rendre la justice.
Mais dans les faits, certains jurés s'avouaient dépassés ou peu entendus, comme la femme interrogée ensuite, regrettant qu'on laisse peu d'espace aux jurés pour poser des questions ou dialoguer ensemble au cours des délibérations.
Un constat relativisé par le chroniqueur judiciaire Raymond Thévenin qui vantait les qualités des « bons jurés » qu'il croisait au fil des audiences, notamment dans le procès Goldman.
Le profil des jurés
1976 - 03:02 - vidéo
Ces dernières semaines, 43 barreaux en France et les 2 principaux syndicats de magistrats (l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature) ont adopté des motions pour marquer leur défiance vis-à-vis de la mise en place des CCD et de la réduction du nombre de jurés populaires, pointant surtout le manque d'effectif dans la justice (juges et greffiers).