L’ACTU.
« Il faut une intégration par le travail (...) et mettre fin au travail au noir. Il faut une immigration pragmatique, réviser la liste des métiers en tension (...) car des domaines ont des besoins. » a avancé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin mercredi 2 novembre. Cette réflexion sur politique migratoire de la France a lieu dans le cadre d’un projet de loi sur l’immigration qui devrait être présenté en 2023. Le gouvernement devrait alors proposer « de créer un titre de séjour métiers en tension ».
LES ARCHIVES.
Retour pendant les Trente Glorieuses. Entre 1950 et 1974, la France fait largement appel à des travailleurs étrangers pour répondre aux besoins en main d'œuvre de certains secteurs. « À l'usine, sur le chantier, un ouvrier sur trois n'est pas Français », expliquait ainsi le reportage de 1964 en tête d'article, sur des images de grandes cantines ouvrières.
Et détaillait : « Parmi ces trois millions de personnes, il y a ceux qui sont recrutés à l'étranger et qui viennent sur contrat, il y a ceux à qui la France est ouverte librement, par les accords d’Évian ou les accords de coopération, et enfin il y a ceux qui franchissent clandestinement nos frontières. Tous viennent en tout cas renforcer notre main d'œuvre ».
« La France a besoin de main d'œuvre étrangère, du fait de son expansion économique qu'elle connaît depuis un certain nombre d'années », confirmait Pierre Bideberry, directeur national de l'Office d'immigration, un organisme créé en 1945, alors sous tutelle du ministère du Travail et du ministère de la Santé publique. Et, ajoutait-il, ce besoin s'expliquait aussi par le fait « que les Français ont abandonné les travaux à caractère salissants ou pénibles qui sont souvent aussi des travaux peu rémunérés. »
Des travailleurs « devenus indispensables en France »
Des conditions de travail meilleures qu'ailleurs donc, mais pas toujours enviables. Dans l'archive, plusieurs ouvriers étaient interrogés. À la question de la rémunération, l'un d'eux, originaire de Grèce, disait : « Ah... ce n'est pas beaucoup, mais un petit peu plus ». Un autre, qui avait été mis à la porte d'une mine en Belgique, a cependant « trouvé tout de suite du travail » en France, « et jusqu'à maintenant, (...) travaillé, je n'ai pas arrêté un jour ».
Ces travailleurs étaient surtout employés dans le secteur secondaire et dans le BTP. L'archive ci-dessous s’intéressait en 1972 à la situation en Lorraine, où un grand ensemble de logement avait été construit à 90% par des étrangers. « Imaginez ce que seraient les quartiers modernes de nos villes, si cette main d'œuvre étrangère avaient été absente. Imaginez aussi ce que serait notre économie sans eux. (...) Qu'ils soient nord-africains, Portugais, Espagnols, Italiens ou Turcs, ils sont devenus indispensables en France. »
Les immigrés à Nancy
1972 - 08:45 - vidéo
Un ouvrier évoquait alors son arrivée, sa déception de l'accueil des Lorrains. « Au début, c'était un peu dur parce que je ne connaissais pas la langue, les Français en Lorraine sont assez froids. (...) plus tard j'ai compris qu'ils ont l'air froid, mais ont le cœur chaud ».
En grande partie manœuvres ou ouvriers spécialisés, « on leur reproche bien souvent de ne pas avoir de qualification. Ce n'est pas toujours vrai, seulement les emplois qu'on leur propose ne laissent guère le choix », décrivait le reportage. Un ouvrier avait été imprimeur au Portugal. Et pourtant, en arrivant en France il a travaillé dans un tout autre secteur : le bâtiment. Un autre, se désolait : « mon métier d’origine, malheureusement, je ne l'applique pas ici : ajusteur mécanicien aéronautique. »
À partir des années 1970, avec les crises pétrolières puis économiques, cette immigration de travail fut tarie et l'État choisit de contrôler davantage les flux de migrations. Ensuite, les arrivées ont plus souvent eu comme motif le regroupement familial ou les études. Un dynamique qui sera donc peut-être infléchie par le gouvernement d'Élisabeth Borne qui renouerait avec l'immigration de travail.