LE D-DAY.
Le 6 juin 1944, malgré le mauvais temps, les alliés anglo-saxons débarquaient sur les plages normandes pour libérer la France. La formidable armada alliée, menée par le général Eisenhower, prenait pied sur le sol normand, première étape de la libération de l'Europe occidentale du joug nazi. Le débarquement débuta dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 juin 1944. À l'aube du 6 juin, les forces anglo-américaines apparaissaient à l'horizon des plages normandes. Au même moment, les unités parachutées atterrissaient derrière les lignes allemandes. Sainte-Marie-du-Mont (Utah Beach) fut le premier village foulé par les alliés. Dans les airs, la Luftwaffe et la Royal Air force s'affrontaient sans pitié. Dans les jours qui suivirent, Caen, Saint-Lô, Lisieux, Vire, Évreux furent prises entre deux feux et devinrent rapidement des villes en ruines.
DES IMAGES HISTORIQUES.
De ce jour historique, il reste des archives exceptionnelles filmées par les alliés au plus près des combats et diffusés quelques jours plus tard dans tous les cinémas de France - la télé n'existait pas encore - pour raconter aux Français comment leur pays avait été libéré. L'archive disponible en tête d'article est un bel exemple de la manière dont on informait à l'époque. Il s'agit de ce que l'on appelait alors un document de propagande, au sens positif, en l’occurrence, produit par « le Monde Libre », un média des alliés basé à Londres, produit par l'Allied Information Service (service du SHAEF, Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) et diffusé dans certains territoires libérés, notamment en Afrique du Nord à partir de novembre 1942 et en Belgique à partir de septembre 1944. Les images des actualités filmées, prises sur le vif, devaient permettre aux spectateurs de s'immerger au cœur de cet événement historique, aux côtés des combattants alliés.
Aux images d'une incroyable intensité littéralement tournées à la manière hollywoodienne, s'ajoute une bande-son produite ultérieurement et composée de bruitages de bombardements et de tirs, parfois assourdissants, rehaussés d'une musique triomphaliste. Sans oublier un commentaire volontairement revanchard, avec quelques pointes sarcastiques à l'encontre de l'ego surdimensionné de l'adversaire déconfit.
« Au flanc du fameux mur de l'Atlantique, les Alliés ont pratiqué déjà une large brèche. Il y a quelques jours encore, les forces alliées ne disposaient que de quelques têtes de pont. Aujourd'hui, tout un pan de la forteresse européenne est démantelé. Avec chaque marée favorable, les Français ont vu arriver dans le Cotentin des renforts et des matériels nouveaux, toujours plus puissants. La bataille des plages est gagnée... » Ainsi débute un reportage incroyable, filmé lors des premières heures du débarquement par des cameramen souvent recrutés à Hollywood. Si on a retenu les photos floues de Robert Capa, on avait oublié le nom du sergent Richard Taylor, le seul à avoir filmé à Omaha Beach et à avoir rapporté ces images intenses de Colleville-sur-Mer. Blessé par des balles allemandes, il continuera à filmer. On lui doit les plans des soldats débarquant sur la plage sous le feu ennemi. À l'occasion du 80e anniversaire du débarquement, ses deux filles ont tenu à lui rendre hommage en donnant accès aux archives familiales au documentariste Dominique Forget. Leur travail mémoriel est évoqué dans un article paru dans Le Figaro le 26 mai 2024.
L'ARCHIVE.
Ces images ont même inspiré certains plans du film Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg et sorti en 1998. À la manière d'un film hollywoodien, les plans de notre archive ont été choisis et montés avec minutie pour montrer l'aspect le plus héroïque et fédérateur du débarquement.
Tout commence par des vues aériennes de l'immense flotte déployée dans la Manche, illustrant la puissance alliée déployée ce jour-là. Elles sont suivies par des plans de soldats canadiens du North Shore, sautant d'une barge de débarquement à Bernières-sur-Mer dans le secteur de Juno Beach. Avec les Boys, nous progressons avec le commando n° 4 (troupes britanniques) à Ouistreham. C'est dans le secteur de Sword Beach, à Ouistreham, que le commando Kieffer (le seul qui soit composé de Français) a d'ailleurs débarqué.
Sur terre et dans les airs
Le reportage marque une pause en livrant de furtives images de la première rencontre entre des soldats présentés comme des sauveurs et la population française. Ainsi, quelques plans d'un civil en pyjama serrant la main de soldats anglais prêtent à sourire. Mais les scènes de combat et leurs drames reprennent. Les caméras proposent une vue générale d'Omaha Beach et des soldats abattus au fur et à mesure de leur progression sur la plage (la fameuse scène évoquée plus haut, filmée par Taylor), avec ce commentaire : « Avant que les Allemands ne soient chassés de leur dépendance extérieure, les soldats alliés sont tombés au moment même où ils débarquaient... » Les ennemis, justement, apparaissent le plus souvent prisonniers, « désemparés », comme surpris de leur défaite rapide. Ils seront envoyés dans des camps.
Le reportage fait aussi la part belle aux forces aériennes. Leur action est décrite avec beaucoup de lyrisme par le speaker : « L'intervention magnifique des forces aériennes, appuyant l'action des forces terrestres, a pratiquement empêché l'ennemi de concentrer ses renforts. Les avions maraudeurs (Marauder B26) découvrant des concentrations de chars dans les bois les ont écrasés sous les bombes explosives. » Vont se succéder des plans forts de chute d'un chapelet de bombes et d'explosions au sol dans un brouhaha tonitruant.
Le reportage se poursuit par la progression des troupes dans les villages et les petites villes où les combats font rage. Il ne sera jamais fait référence aux milliers de victimes civiles (20 000 Normands dont 14 000 rien que pour la basse-Normandie). La caméra se posant plus volontiers sur les visages des prisonniers allemands, le commentaire d'ajouter, avec une pointe d'ironie : « Parmi les prisonniers se trouvaient encore quelques arrogants qui n'ont pas compris qu'il faut lever les bras pour autre chose que pour le salut nazi. » Ils seront emmenés en Angleterre sur les mêmes barges qui ont participé au débarquement, l'occasion pour le commentateur d'ajouter sur un ton vengeur : « Il y a quatre ans, tous ces gens-là chantaient à gorge déployée "Et nous irons en Angleterre". Ils y sont ! Et derrière les barbelés. » Ainsi s'achève ce reportage exceptionnel dont il faut garder à l'esprit qu'il avait été conçu pour glorifier l'action et le rôle capital des alliés dans la libération de la France.