Le 22 janvier 2012, devant plus de 10.000 personnes réunies au Bourget, François Hollande, alors candidat socialiste à l’Elysée, entre en campagne. «Là, il faut bien voir que c’est un François Hollande qui a été lui-même surpris par l’ampleur de sa victoire quelques mois plus tôt, dans la primaire. Au fond, c’était Dominique Strauss-Kahn qui était prévu comme candidat», explique le politologue Pascal Perrineau.
«Et quelque part, il se dit maintenant il faut que je rassemble une gauche qui est un peu en morceaux, une gauche un peu en miettes. Hollande n’est pas une grande vedette de la gauche, et certains doivent se dire mais au fond est-ce que c’est un vrai homme de gauche ?», poursuit-il. Les militants attendaient un marqueur à gauche fort, et, selon Pascal Perrineau, pour rassembler le peuple de gauche, François Hollande devait avoir recours «aux éternels marqueurs de la gauche française».
Avec le monde de la finance, «là, il envoie LE marqueur, ça y est, les gens ont leur ennemi, ils ont leur bouc-émissaire et ça ancre complètement le candidat Hollande dans la gauche», poursuit Pascal Perrineau. «On a envie, surtout en période de campagne électorale, de se faire plaisir. On veut des bons gros marqueurs même si on se dit holala ça va être difficile de lui régler son compte à la finance dans un monde ouvert. Mais on n’oublie ça, et pendant un moment, surtout dans l’atmosphère d’un grand meeting, on veut y croire», poursuit-il.
Démagogie
Selon lui, François Hollande va loin dans son propos, en utilisant la notion d'ennemi et non d'adversaire. Le politologue reconnaît qu'il y a dans cette sortie «quelque chose d’assez démagogique».
Une petite phrase démagogique qui va poursuivre François Hollande pendant tout son quinquennat car «taxer les hauts revenus comme il le prétendait, ce n’est pas possible, et puis on va découvrir peu à peu un président de la République (...) extrêmement pragmatique (...) qui va devenir de plus en plus socialiste, réformiste et même avec Valls, social libéral. Et il va s’aliéner bien sûr des gens qui avaient cru que c’était véritablement le candidat de lutte contre la finance.» Pascal Perrineau l'explique alors : «Et ça va devenir le phénomène des frondeurs.»
Les frondeurs. Des parlementaires, socialistes, en désaccord avec la politique économique de François Hollande. Des ministres leur emboîteront même le pas.
Pascal Perrineau analyse : «Le phénomène des frondeurs va devenir un phénomène massif et va empêcher (...) le président sortant de se représenter. Puisque le 1er décembre 2016, eh bien voilà, il déclare forfait. Il déclare forfait parce que quelque part il a été pris en défaut par la promesse qu’il avait faite cinq ans plus tôt.»
Une petite phrase qui, en cinq ans, est donc revenue comme un boomerang vers son auteur, et qui a marqué le début de la scission de la gauche.