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Cumul des mandats : la position de François Bayrou au fil du temps

Cumul des mandats : la position de François Bayrou au fil du temps

François Bayrou, fraichement nommé Premier ministre, s'est rendu au conseil municipal de la ville de Pau, dont il est maire, alors qu'à Mayotte, le passage du cyclone Chido faisait de nombreuses victimes. Une séquence qui relance le débat autour de l'interdiction du cumul des mandats électoraux, sur laquelle François Bayrou souhaite revenir. Retour en archives sur ses positions. 

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 17.12.2024
 

« Je suis pour une limitation stricte [des mandats], mais à un mandat local et un mandat national » : cette citation de François Bayrou, datant de 1997, peut résumer sa position sur le cumul des mandats électoraux au fil des années. En tout cas, jusqu'à ses dernières prises de parole qui remettent en cause la loi de 2014 sur l'interdiction de cumuler un mandat de parlementaire et un mandat local. Retour en archives sur les positions du maire de Pau et nouveau Premier ministre depuis la première loi contre le cumul des mandats, en 1985.

« Le principal problème qui se pose à ceux qui cumulent des mandats, c'est le temps »

« Moi, je voudrais dire, pour dire des choses simples, que dans l'ensemble, je trouve que c'est une bonne orientation de la part du projet de loi. Je veux dire que si j'étais parlementaire, au moment où la loi venait en discussion, je la voterais. » Novembre 1985, le jeune François Bayrou, 34 ans, est alors conseiller régional et général des Pyrénées-Atlantiques et conseiller municipal de Pau. Il était invité par la section bordelaise de France 3 Régions pour s'exprimer sur le projet de loi contre le cumul des mandats, présenté par le gouvernement de l'époque. Un extrait de cette émission est disponible en tête de notre article.

À cette époque, aucune règle n'existait en France pour limiter le nombre de mandats et de fonctions par personne - outre l'impossibilité de combiner un mandat de député et de sénateur -. Les années 1980 en France marquent l'essor de la décentralisation. Les élus locaux gagnent alors en pouvoir de décision. D'où la mise en débat de la nécessité de limiter le nombre de mandats électifs.

François Bayrou argumentait alors en faveur de la restriction du cumul des mandats en soulevant les principaux défauts de celui-ci. « Le principal problème qui se pose à ceux qui cumulent des mandats, c'est le temps. Et singulièrement, aussi étrange que cela puisse paraître, c'est le temps des déplacements.(...) C'est très long de se déplacer pour un simple conseiller régional comme je suis, qui vient pour une réunion d'une heure à Bordeaux de Pau, eh bien, il perd la journée. Et naturellement, ça handicape beaucoup l'exercice des autres mandats. » À cette date, comme le prédisait le journaliste en plateau, François Bayrou cumulait lui-même trois mandats.

Il notait l'exception française qu'était le cumul de mandats, et la concurrence que cela créait au sein du parlement européen. « Il faut savoir par exemple, que, au Parlement européen, les élus britanniques sont extrêmement présents d'un bout à l'autre de la session parlementaire du lundi matin au vendredi soir, ce qui fait qu'ils jouent un rôle beaucoup plus important. (...) Les élus français, de quelque tendance qu'ils soient et à quelque parti qu'ils appartiennent, parce qu'ils ont d'autres mandats importants, régionaux, nationaux, ne peuvent pas jouer tout le rôle qu'ils devraient pouvoir jouer. »

Le jeune homme politique précisait néanmoins combien il lui semblait honorable d'avoir été élu à plusieurs reprises. « On encense Bernard Tapie tous les jours parce qu'il a 50 ou 60 entreprises. À la limite, on pourrait remarquer que les hommes politiques qui réussissent à avoir la confiance des gens sur quatre ou cinq mandats ne sont pas tellement nuls. »

Votée en décembre 1985, la loi contre le cumul des mandats interdisait finalement aux parlementaires de cumuler, en plus de leur mandat national, plus d'un mandat, ou fonction, parmi les suivantes : représentant à l'Assemblée des communautés européennes, conseiller général, conseiller régional, conseiller de Paris, maire d'une commune de 20 000 habitants ou plus autre que Paris et adjoint au maire d'une commune de 100 000 habitants ou plus autre que Paris. Une seconde loi interdisait aux élus locaux de cumuler plus de deux des mandats précédemment listés et interdisait le cumul de président du conseil général et régional.

« On a besoin d'élus enracinés dans la réalité locale »

Faisons un saut dans le temps, pour les années 1990 et le retour du débat sur le cumul des mandats. Au cours de la campagne pour la présidentielle, Lionel Jospin - qui sera battu par Jacques Chirac - affirmait sa volonté de réformer le cumul des mandats. Et d'espérer ainsi « des ministres qui se consacrent à leur ministère et qui ne partent pas dès le jeudi pour aller diriger leur conseil général ou leur mairie ».

En 1997, Lionel Jospin était nommé premier ministre dans le cadre de la « troisième cohabitation ». Dans sa déclaration de politique générale il exposait les mesures prioritaires de son gouvernement : « Limiter strictement le cumul des mandats est ainsi devenu une priorité. J'ai demandé aux membres du gouvernement d'appliquer, dès leur nomination, ce principe pour eux-mêmes. La législation sur le cumul des mandats et sur les incompatibilités sera renforcée, notamment en ce qui concerne les fonctions exécutives locales. » Avec lui l'usage était fait de ne pas combiner un mandat électif et la fonction de ministre.

Alors que le Premier ministre réfléchissait à son projet de loi sur le non-cumul des mandats, il consultait les forces politiques françaises. Parmi ses interlocuteurs, se trouvait François Bayrou, désormais homme politique expérimenté. Voici ce qu'il rapportait avoir dit lors de leur entretien, dans l'archive ci-dessous : « On a besoin d'élus enracinés dans la réalité locale. Pensez que, à Paris, les députés ne sortiront plus de l'Assemblée nationale, excepté pour aller faire des inaugurations, qu'ils n'auront plus à assumer les responsabilités locales, c'est-à-dire à rencontrer les problèmes des gens, c'est, à mon avis, affaiblir le Parlement. La France, la démocratie française, son histoire a besoin de faire que les élus soient enracinés. C'est pourquoi je suis pour une limitation stricte, mais à un mandat local et un mandat national ».

réponse à Jospin ; un mandat local un mandat national

Dans le projet finalement présenté par Lionel Jospin en 1998, les recommandations de François Bayrou n'étaient pas prises en compte. Le Premier ministre proposait d'interdire les cumuls suivants : ministre et exécutif local, parlementaires national et européen, parlementaire et exécutif local, deux exécutifs locaux. Néanmoins, la loi votée en mars 2000 était largement moins-disante par rapport à ces propositions et concernait principalement les parlementaires européens.

Ce que s'empressait de dénoncer le député européen François Bayrou, comme on l'entend ci-dessous : « On est un pays où on a l'impression que plus on avance, plus on vote des choses absurdes. Alors, on a annoncé une grande réforme sur le cumul des mandats. À quoi cette réforme a-t-elle abouti ? Les députés, les sénateurs et les ministres ont gardé soigneusement le droit de pouvoir avoir plusieurs mandats et fonctions. Le droit de cumuler. Les députés, les sénateurs et les ministres ont gardé le droit d'être maire ou président de conseil général ou de région, soigneusement pour eux-mêmes. Et il n'y a qu'une seule catégorie de Français qui se comptent sur les doigts de la main, à qui on a interdit de pouvoir garder une fonction de local. Et la seule catégorie, ce sont les parlementaires européens. » Une loi injuste et absurde selon lui.

François Bayrou veut moraliser la vie politique

Douze ans plus tard, François Bayrou, le candidat à la présidentielle, faisait de la « moralisation de la vie politique » son cheval de bataille. Parmi les points qui devaient permettre cette « moralisation » : l'interdiction du cumul des mandats. Il demandait à François Hollande et Nicolas Sarkozy, les finalistes à la course pour l'Élysée, de reprendre ces points, comme on l'entend ci-dessous.

En février 2014, le parlement votait deux lois sur le cumul des mandats. En vigueur à partir de 2017, elle élargissait fortement l'interdiction de cumul. Elle interdisait par exemple d'être parlementaire et maire, ce qui était très souvent le cas. C'est l'une des raisons au large renouvellement du personnel politique après les législatives de 2017.

Encore une fois, lors de cette séquence politique, François Bayrou, désormais largement en mesure de faire passer certaines de ses idées, s'exprimait sur le sujet. Il était, disait-il ci-dessous, scandalisé d'une application si tardive. « Non seulement j'y suis favorable [à la loi contre le cumul des mandats], mais je considère comme scandaleux ou insupportable le fait que, tout en nous disant qu'on limite le cumul des mandats, on en reprenne pour un tour parce qu'on va avoir des élections en 2014, municipales. La loi sera appliquée aux calendes grecques, comme on disait autrefois, c'est-à-dire à un horizon de temps dont on n'est même pas sûr qu'il ne sera pas modifié entre temps par des alternances politiques ou quoi que ce soit d'autre. Vous voyez bien que, au fond, le contrat de l'élection présidentielle, c'était on va mettre un terme au cumul des mandats le plus vite possible. Et en vérité, comme ça a dérangé un très grand nombre d'élus d'ailleurs, dans tous les partis, on a décidé qu'on allait le remettre à plus tard. »

En février 2017, François Bayrou annonçait renoncer à sa candidature à l'élection présidentielle au profit d'Emmanuel Macron, à qui il proposait une alliance. Avec quatre conditions, dont celle d'ajouter à son programme une loi de moralisation de la vie publique. Le néophyte acceptait l'offre du vieux routard. Emmanuel Macron était élu quelques mois plus tard, François Bayrou était nommé ministre de la Justice.

Au cours de son très court séjour place Vendôme - il quittera son poste après des soupçons d'emplois fictifs au parlement européen -, François Bayrou lançait les consultations pour construire son projet de loi de moralisation de la vie publique. Une semaine avant son départ, il présentait une « loi pour la confiance dans la vie démocratique ».

Parmi les dispositions qui concernent la limitation des mandats, l'interdiction d'effectuer plus de trois mandats successifs pour certaines fonctions, mais aussi... l'interdiction pour les ministres d'exercer des fonctions exécutives locales. Cette dernière disposition n'apparait pas dans la loi finale.

Depuis, il semblerait que François Bayrou a changé d'avis. Il est régulièrement intervenu pour dire l'importance de l'ancrage local du personnel politique, notamment dans le cas de petites communes. Lundi 16 décembre 2024, il affirmait vouloir revenir sur l’interdiction de cumuler les mandats de parlementaire et d’exécutif local, considérant la loi de 2014 comme une erreur.

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