L'ACTU.
Selon le ministère de l’Intérieur, 271 000 personnes ont été victimes de violences conjugales en 2023, principalement des femmes. Un fléau social est dénoncé depuis les années 1970 par des militantes féministes. Annie Sugier était l’une d’entre elles. Cinquante ans plus tard, elle revient sur son combat.
LES ARCHIVES.
« Il fallait qu'on reconnaisse que c'était un fléau social (...) Le point de départ, c'était de montrer que ça existait aussi en France. (...) Il fallait faire la preuve. Et il fallait qu'elles parlent... » Annie Sugier est l’une des figures de proue du Mouvement de libération des femmes (MLF). Dans les années 1970, aux côtés d’autres militantes, elle s’attaque aux violences conjugales. Pour INA.fr, cinquante ans plus tard, elle revient sur ce combat.
La première permanence téléphonique
« C'était important parce que la formule “il faut que la honte change de camp”, ça existait déjà à l'époque, donc il faut oser. Il faut que ce soit elles qui parlent et pas nous à leur place ». En 1975, Annie Sugier participe à la création de l’association SOS femmes battues. Dans le même temps, une permanence téléphonique d’urgence est mise en place. Une première en France ! Et un véritable succès comme elle l'explique ici : « La permanence téléphonique était tenue par deux dames retraitées qui avaient donc un téléphone. (...) elles se relayaient. Elles recevaient des coups de téléphone, le numéro de téléphone avait été donné par les médias. Et donc, il y a eu plein de femmes qui les appelaient, y compris la nuit. »
Faire du bruit pour faire bouger les choses
Face à l’ampleur du phénomène, l’association interpelle les pouvoirs publics. L'objectif est maintenant de créer un refuge. Pour obtenir des subventions de l’État, l’association multiplie les actions. En février 1976, Annie Sugier et d’autres militantes occupent un château en région parisienne. Un lieu promis par la secrétaire d'État à la condition féminine. Une action d'envergure qu'elle dont elle explique l'intérêt ici : « Il faut toujours faire une action spectaculaire pour que les pouvoirs publics réalisent qu'on ne lâchera pas le morceau. Et je reçois, à ce moment-là, un coup de téléphone de monsieur Lenoir qui était un conseiller de madame Simone Veil et qui nous dit, "nous pouvons vous aider". Et à ce moment-là, tout s'est débloqué. »
Simone Veil, ministre de la Santé, accorde des subventions. Après plusieurs années de combat, le premier refuge pour femmes battues ouvre ses portes en avril 1978 à Clichy, au nord de Paris. Une expérience pilote, exceptionnelle en bien des points, se souvient-elle, : « Ce qui était révolutionnaire et je l'ai compris après. C'est qu'elles partaient de chez elles et qu'elles se reconstruisaient. » Avant de temporiser : « Un centre pour femmes battues, ce n’est pas un objectif en soit, ce qu’il faut, c'est que ça disparaisse. »
Quarante-six ans après l’ouverture du premier refuge pour femmes battues, le combat continue pour Annie Sugier. Elle est aujourd’hui présidente de la ligue internationale du droit des femmes. Et de conclure cet entretien par une réflexion sur l'avenir : « Je pense qu'il y a encore du chemin à faire et donc je pense que c'est important qu'il y ait des femmes, qu'il y ait des militantes qui continuent à investir ce champ d'action. »