1973 : « On l’a appris ce matin, des cours d’éducation sexuelle seront dispensés dès la rentrée prochaine dans les établissements scolaires ». Il y a 50 ans, l'information sexuelle faisait son entrée dans le programme scolaire. Dans le montage en tête d'article, retour sur la longue mise en place de l'éducation sexuelle dans les écoles françaises.
Faut-il éduquer les enfants à la sexualité ? Comment, et, à quel âge ? Ces questions sont anciennes. L'un des premiers débats enregistrés sur le sujet date de 1950. À cette période, la majorité de la population s'accordait déjà pour que l'éducation sexuelle existe, sans pour autant l'intégrer aux programmes scolaires. D'après un sondage d'époque, 40 % de la population souhaitait que cet enseignement soit donné à la fois par l'école et la famille, tandis ce que 36 % préférait que la tâche n'incombe qu'aux familles.
Pour autant, la sexualité restait taboue dans de nombreux foyers. En témoigne l'interview en 1968 d'une jeune femme, tombée accidentellement enceinte à la sortie de son collège religieux. Ne lui avait-on rien enseigné en famille ou au collège ? « Non, absolument pas, on n’en parlait pas. Au collège, sûrement pas, j’ai toujours été dans des pensions religieuses, et les religieuses n’abordaient jamais, jamais ces sujets-là. Quant à ma mère, non plus, c'était le grand silence. »
Il faut attendre la libération sexuelle, la légalisation de la pilule contraceptive en 1967 et le mouvement de mai 1968 pour que le sujet émerge dans l’opinion. Dans les années 1970, l'éducation sexuelle est introduite dans les écoles en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas et en Suisse. En France, les débats télévisés se multiplient.
Une première révolution a lieu en 1974 avec la circulaire Fontanet. Des cours « d'information sexuelle » font leur entrée dans les collèges. Contraception, MST, relation hommes - femmes : rien de ça en classe. Le programme est purement scientifique.
Des cours d'anatomie
Nouveau tournant dans les années 1980 avec l'arrivée du sida en France. Dans la décennie, de nombreux ajouts sont faits au programme : information sur la contraception, IVG et maladies sexuellement transmissibles. Pourtant, en 1985, un reportage dans un lycée tire un constat sévère : « Dispensé par les professeurs de science naturelle sans formation adaptée, ces cours d'éducation sexuelle se transforment en cours d'anatomie ou de biologie, pas un mot sur l'acte sexuel ou le plaisir, quelques vagues informations sur la contraception si le temps le permet. En définitive, ces adolescents en sauront plus sur les souris et les oursins que sur leur propre appareil génital ».
1998, une nouvelle circulaire nommée « Éducation à la sexualité et prévention du sida » fait table rase des précédentes dispositions. Cette fois-ci pas de langue de bois, on parle bien d'éducation sexuelle. Et, à partir de 2001, elle devient même obligatoire à raison de trois séances annuelles minimum, et ce, dès l'école primaire.
À partir de 2011, l'éducation sexuelle devient un sujet brûlant. Notamment avec l'ajout d'un nouveau chapitre sur l'orientation et l'identité de genre au programme de science. 80 députés UMP rédigent une lettre ouverte pour faire interdire les manuels. L'école enseignerait aux enfants la « théorie du genre ». C'est en tout cas ce que lui reproche associations familiales catholiques et politiciens conservateurs. En 2013, quelques mois après l'adoption du mariage homosexuel, l’éducation sexuelle à l’école devient le nouveau cheval de bataille du collectif « La Manif pour Tous ».
« Théorie du genre »
Et un projet éducatif en particulier va mettre le feu aux poudres : les ABCD de l'égalité. Un programme expérimental mené de la maternelle à la primaire qui vise à lutter contre les stéréotypes de genre. Une campagne de dénigrement menée par l'extrême droite insinue alors que les enfants auront des « cours de masturbation » ou que des « transsexuels » interviendront dans les classes.
Par le biais de chaînes de SMS et d'e-mails, les parents sont appelés au boycott des cours. Le Ministre de l'Éducation nationale est contraint de faire une mise au point en plein hémicycle. Et face à la pression, les ABCD de l'égalité sont abandonnés à la rentrée suivante.
Deux ans plus tard, en 2016, le Haut conseil à l'égalité épingle l'Éducation nationale pour manquement à ses devoirs. Sur 3 000 écoles étudiées un quart n'avaient pas mis en place de séance d'éducation à la sexualité contrairement à ce que préconise la loi depuis 2001. Depuis l'épisode raté de l'ABCD à l'égalité, le gouvernement s'est montré frileux pour mettre en place de nouveaux dispositifs.
En 2023, l'ancien ministre de l'Éducation Pap Ndiaye annonce un nouveau programme d'éducation à la vie sexuelle pour la rentrée 2024. Mais les offensives des milieux conservateurs forcent le texte à être repoussé. Il pourrait entrer en vigueur pour l’année scolaire 2025-2026.