L'Insee a dévoilé vendredi 28 janvier sa première estimation de la croissance du produit intérieur brut (PIB) français pour l'année 2021: +7%. Les autorités ont souligné que la France dépassait « désormais nettement » son niveau d'avant crise sanitaire. Un bon résultat salué par le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire qui estime que la « crise économique » est ainsi effacée et que « la politique du gouvernement est efficace ».
La dernière fois que l'économie française avait fait mieux, c'était il y a 52 ans, en 1969, juste après Mai 1968 (+ 7,11%). Pour sortir de la crise économique et sociale qui l’avait ébranlée, le gouvernement avait dû, en août 1969, lancer un grand plan de redressement. C’était Valéry Giscard d'Estaing, le ministre de l’Economie et des Finances, qui était à la manœuvre.
L’année 1969 avait débuté avec une inflation galopante, une industrialisation poussive et une monnaie fragilisée. Le chômage avait même fait son apparition. La France était en déficit, un fait inédit depuis la fin de la guerre. Le commerce extérieur connaissait lui aussi le déficit. Face à l’inconnu, les Français de 1969, comme ceux de 2020, épargnaient et consommaient moins.
L’archive en tête d’article date de novembre 1969, dans le journal de 20h00, Michel Drancourt, journaliste économiste, décrivait en quoi consistait le plan du gouvernement et quels étaient les premiers résultats concrets après trois mois d'efforts.
« Un plan de redressement ça veut dire dépenser moins, vendre plus à l’extérieur et si possible que les prix ne fassent pas trop la pirouette », précisait-il. Il expliquait que le gouvernement avait commencé par dévaluer la monnaie. Une manœuvre monétaire courante dans tous les pays à la monnaie souveraine. Cette première mesure devant permettre de relancer le commerce extérieur. Apparemment cela avait porté ses fruits d'après le journaliste : « La vente à l’étranger, surtout l’Allemagne, fonctionne bien grâce à la dévaluation du franc et à l’augmentation du mark (la monnaie allemande). »
Mais l’inquiétude résidait du côté des importations qui plombaient le budget, « il y a un ennui, c’est que nous achetons toujours beaucoup à l’extérieur et nos importations vont continuer à augmenter », soulignait d'ailleurs le journaliste.
Pour que la dévaluation fonctionne, il fallait aussi que l'inflation ne dépasse pas 3%. En novembre, ce commentateur précisait qu’ils avaient « déjà augmenté de 2 % », ajoutant, « il nous reste 1%, la partie sera serrée à jouer. »
L'inflation, une préoccupation quotidienne
Que pensaient les Français de cette inflation ? Dans le micro-trottoir ci-dessous, lui aussi daté de novembre 1969, ils constataient que les prix avaient augmenté, mais surtout pour les produits étrangers « augmentent en moyenne de 12%, quelquefois plus ». Les produits français, eux, étaient restés relativement stables, pourtant certaines ménagères interrogées semblaient préoccupées : « On sent que notre billet de banque ne vaut plus rien. »
Pour redresser le déficit, le gouvernement avait restreint le crédit, cette mesure était plutôt mal accueillie par les entrepreneurs. Dans les concessions automobiles, la restriction de crédit avait porté un coup aux commandes. Ce concessionnaire déplorant une baisse de « 20 à 25 % ». Un chef d’entreprise également interrogé était catégorique, les conséquences des restrictions de crédit seraient gravissimes pour les entreprises : « Nous allons avoir en un seul exercice une augmentation de 50% de nos frais financiers. Il va donc y avoir un certain nombre d’entreprises qui vont claquer », déclarait-il gravement.
Enquête sur le recouvrement du redressement économique
1969 - 02:15 - vidéo
Une relance inattendue
Pour terminer, nous vous proposons ci-dessous une déclaration de Valéry Giscard d'Estaing à la télévision, à la veille de Noël, le 23 décembre 1969. Il s'adressait aux Français pour leur dresser le bilan de son grand plan de relance qui avait, selon lui, déjà porté ses fruits. Il apparaissait satisfait des résultats de la dévaluation et de la relance économique, ainsi que de la lutte contre l'inflation.
Comme aujourd'hui, où l’endettement public s'est fortement creusé à cause de la crise sanitaire (116,3% du produit intérieur brut (PIB) fin septembre 2021), la dette publique de la France s'était également creusée en 1969, mais Valéry Giscard d’Estaing annonçait qu'en 4 mois de restrictions, le déficit budgétaire s'était réduit « de plus de la moitié, avec un bénéfice de 10 milliards de francs. ». Une réussite rapide qui portait alors la croissance à 7%.
Le ministre remerciait les Français : « Cela a été dur pour tout le monde et de cet effort, je vous remercie ». Avant de conclure, il précisait néanmoins qu’il fallait continuer à faire des efforts tout en abordant l’avenir avec optimisme, et concluait joyeusement : « Et puis comme nous sommes à la veille de Noël, je voudrais vous souhaiter un heureux Noël, et pour bientôt, une bonne année. »