L'ACTU.
Le sociologue Daniel Defert était l'une des plus grandes figures de la lutte contre le sida en France. Il est mort mardi 7 février, à l'âge de 85 ans.
Ancré à gauche, il s'était notamment mobilisé avec son compagnon, le philosophe Michel Foucault, sur la situation du système carcéral français. Après la mort de Michel Foucault des suites du sida, il fonda Aides, la première association française qui lutta contre cette maladie.
L'association a rendu hommage sur Twitter à celui qui la présida pendant 7 ans et rappelle que Daniel Defert entendait « briser la chape de plomb entourant le VIH/sida » et qu'il créa « un espace de parole et de soutien dédié aux personnes malades, afin que puissent émerger leur présence, leurs morts et leurs maux dans la sphère sociale. »
LES ARCHIVES.
En 1984, « il y avait à peu près de 10 personnes qui étaient convaincues que les malades atteint de sida étaient dans une solitude insupportable et nécessitaient des formes de soins nouvelles », racontait en novembre 1988 Daniel Defert à propos de la création d'Aides. Quatre ans plus tard, dans l'archive ci-dessus, la présentatrice Christine Ockrent parlait d'un « formidable succès ». L'association comptait alors 1050 bénévoles. Au début des années 1980, « ils étaient aussi très peu de gens à penser qu'en France il y aurait et un risque de discrimination et une mobilisation pour l’empêcher. »
« Je crois que maintenant ces problèmes sont devenus des problèmes de politiques générales et que la majorité des Français en est convaincue », poursuivait-il constatant les effets, en seulement quelques années, des actions de l'association pour faire connaître la maladie. « L'effort à faire est encore immense. »
Apporter une aide pour chaque aspect de la maladie
« C'est une maladie qui s'étend dans le temps (...) et pendant ces années, il y a des moments clés où l'on a besoin d'un soutien », disait Daniel Defert du sida. Il énumérait : « Cela peut être le moment où l'on découvre des taches sur son corps, le moment où l'on doit l'annoncer à son entourage que l'on est malade, le moment où l'on entre à l’hôpital, le moment où l'on sort de l’hôpital, où l'on reprend son travail. Le moment où l'on est confronté à sa maladie au sein de la société. »
Les bénévoles d'Aides apportaient, disait le président de l'association, à la fois un soutien psychologique, des services à domicile, une aide financière ou juridique, « de plus en plus importante. »
Daniel Defert dédia ainsi une grande partie de sa vie à faire connaître cette maladie. Dans l'archive ci-dessous, il évoquait la fondation d'Aides : « Vous savez toutes les associations ont la même origine. Vous avez un individu qui a été confronté à un drame et des institutions qui ne permettaient pas d'y répondre. C'est la situation que j'ai connue en 1984. » Il pointait cette période où les malades du sida étaient laissés à eux-mêmes : « En 1984, les médecins ne savaient même pas communiquer les diagnostics facilement avec leurs malades, les tests de dépistages existaient à peine. Nous avions 294 cas de malades en France et peu de gens s’imaginaient que nous étions en train d'entrer dans une épidémie. »
Sida : assises de l'association AIDES à Sophia Antipolis
1989 - 02:39 - vidéo
Des politiques publiques et de la solidarité
« Le sida est au cœur de la société. » En 1989, Daniel Defert était interrogé sur le sida comme enjeu de société dans l'émission « La marche du siècle » sur France 3. Comme on l'entend dans l'archive ci-dessous, il réclamait un changement de perception : « les malades, pour faire un choix de vie, ne peuvent pas le faire seul. Il y a besoin d'un soutien, d'une reconnaissance, d'une société qui ne sanctionne pas et qui ne rejette pas. »
Daniel Defert : l'association AIDES soutient les malades et leurs proches
1989 - 03:12 - vidéo
Il interrogeait aussi les politiques publiques, évoquait des enjeux de connaissance et de prévention : « Il y a besoin d'information, de savoir médical. (...) Très souvent, quand on est inquiet et qu'on craint cette pathologie, on n'ose pas en parler chez soi, on n'ose pas en parler au médecin de famille. Il faut trouver un autre médecin compétent (...) Nous avons donc ouvert une permanence téléphonique et proposé des listes de médecins. »
Les personnes malades étaient, ajoutait le journaliste, partie prenante de la lutte contre le sida. Une spécificité de cette cause, que confirmait Daniel Defert, notamment « dans la manière dont ils posent des questions nouvelles. » Ainsi que dans leurs participations aux programmes de recherche médicale : « Cela fait partie de la solidarité, beaucoup de malades disent : "j'ai accepté un essai de toxicité" (...), quand on accepte cela, ce n'est pas vraiment pour soi. »